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C'est la plus belle réussite aux 24 Heures du Mans après Porsche. En 1999, l'histoire d'Audi dans la Sarthe commence pourtant par un tâtonnement entre un sport-proto à carrosserie fermée assez disgracieux (la R8C) et une petite barquette (la R8R) conçus autour du même moteur 3,6 litres biturbo qui équipait le haut de gamme du constructeur allemand, notamment la V8 Quattro. La voiture ouverte, à l'aérodynamique encore basique mais d'une remarquable fiabilité, s'impose rapidement comme le bon choix : Frank Biela, Didier Theys et Emanuele Pirro montent sur le podium (3es) devant la seconde R8R de Michele Alboreto, Rinaldo Capello et du Français Laurent Aïello. Les deux R8C ont très vite abandonné.
Les pilotes français Aïello, Ortelli, Tréluyer
L'année suivante, au tournant vers le XXIe siècle, le petit canard mécanique s'est transformé en un proto de catégorie LMP gracieux, affiné, joliment décoré et, surtout, terriblement efficace. C'est un coup de tonnerre sur Le Mans ! Pour sa deuxième participation seulement, Audi signe déjà l'un de ses mémorables triplés – il est vrai que l'opposition n'est pas celle de l'année précédente, sauf la valeureuse équipe d'Henri Pescarolo et sa Courage…
Tom Kristensen, Franck Biela et Emanuele Pirro entraînent derrière eux, sur le podium, Laurent Aïello, Stéphane Ortelli et Allan McNish, suivis de Rinaldo Capello, Christian Abt et Michele Alboreto. La principale ossature des pilotes est déjà là et l'équipe sportive et technique est solidement constituée. Sous l'autorité du patron incontesté, le Dr Wolfgang Ullrich, Audi Sport est associé au team Joest qui fut l'une des plus belles écuries de course privées, ayant fait rouler des Porsche dans les années 1980-1990 (quatre victoires au Mans et une à Daytona). Son directeur technique, Ralf Jüttner, se révèle un stratège de haut niveau et le truculent motoriste d'Audi, Ulrich Baretzky, est un orfèvre en mécanique. Ses moteurs sont des bijoux.
Seulement battu par Peugeot
La fidélité aux hommes et la constance dans les choix techniques va produire, jusqu'en 2014, l'un des plus beaux palmarès de l'histoire des 24 Heures du Mans. Treize victoires auxquelles pourrait s'ajouter celle de Bentley en 2003, simple parenthèse marketing puisque le magnifique proto Speed 8 était conçu et engagé sous la houlette du staff Audi Sport-Joest au complet (*), y compris quelques pilotes de la marque aux anneaux.
En ajoutant ce succès « britannique » à la razzia allemande, on peut presque considérer que Audi s'est (officieusement) imposé neuf fois consécutivement aux 24 Heures du Mans entre 2000 et 2008, battant le record de Porsche (sept fois entre 1981 et 1987). Les équipes privées ont pu relayer parfois l'absence du team d'usine, mettant à profit une fiabilité légendaire et une remarquable simplicité pour, en quelques minutes seulement, changer au stand un train arrière complet tout prêt monté (boîte de vitesses incluse) quand la mécanique donnait des signes de faiblesse.
Il fallut toute l'implication de Peugeot Sport pour mettre fin à cette série victorieuse en 2009, un an après que la 908 française a tenu jusqu'au bout dans le même tour que l'Audi victorieuse. L'ogre vacilla encore en 2011. Malgré deux accidents particulièrement spectaculaires en début de course et en milieu de nuit, très symboliques de l'intensité de la bagarre et des risques pris par les pilotes, Audi l'emporta avec l'unique R18 TDI restante pour seulement treize secondes devant la Peugeot ! Bien que desservi par un règlement technique qui n'avantageait pas ses voitures, le brillant team Pescarolo Sport fut aussi un fameux concurrent pour placer quelques banderilles dans la carapace Audi. En vain.
Le drame d'Alboreto
La marque allemande flancha donc très rarement, imposant pour la première fois aux 24 Heures du Mans un moteur diesel (5,5 l. V12) en 2006 – ainsi que dans le Championnat du monde et les courses d'endurance américaines IMSA. Puis ce fut le tour de la technologie hybride e-Tron Quattro (6 cylindres diesel 4 litres + électrique, en 2012) ; ce modèle R18 était devenu un sport-prototype fermé à l'aérodynamique remarquablement poussée. Rien à envier à la F1 !
Cette constance dans les résultats permit aussi aux pilotes de se bâtir un palmarès hors-norme : record de neuf succès pour le Danois Tom Kristensen, de toutes les campagnes. Le premier à dépasser les six victoires de Jacky Ickx. Des triplettes fameuses : Tom Kristensen-Emanuele Pirro-Franck Biela, Tom Kristensen-Allan McNish-Rinaldo Capello ou Benoit Tréluyer-André Lotterer-Marcel Fässler, triples vainqueurs. Hélas, cette période glorieuse n'a pas échappé au drame avec, très tôt, la mort en essais privés de Michele Alboreto, le 25 avril 2001 sur le circuit du Lausitzring. L'ex-pilote Ferrari de Formule 1 n'eut pas le temps de cueillir, dans la Sarthe, les lauriers qu'il aurait mérités.
(*) Audi et Bentley appartiennent toutes deux à l'ensemble du groupe automobile Volkswagen.
Super article et magnifiques photos ! Quels brillants pilotes et quelles merveilleuses machines !