Cette ferme normande vieille de… près de 2 000 ans

Des archéologues ont découvert dans le Calvados les traces d’une exploitation gallo-romaine où étaient cultivées la pomme et peut-être aussi la vigne.

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C'est une découverte archéologique intrigante qui vient d'être faite à Frénouville, à une quinzaine de kilomètres à l'est de Caen (Calvados). Réalisée en amont d'un projet d'aménagement visant à la création sur place d'un futur quartier d'habitation, l'opération de fouille, prescrite par les services de l'État (Drac Normandie) et réalisée par une équipe de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), a exploré 2 hectares de terres agricoles sur les parcelles dites du « Bas Marais ».

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Le site a révélé deux enclos gallo-romains distincts, distants d'une centaine de mètres l'un l'autre. Des vestiges de fermes qui attestent une occupation humaine aux premiers siècles de notre ère. Sur la plus vaste de ces deux parcelles, des bâtiments d'habitation en pierre et plusieurs constructions de terre et de bois sur poteaux ont été identifiés. Elles sont liées à des activités agraires.

Ferme gallo-romaine

Les archéologues ont exploré une superficie totale de près de 2 hectares en procédant à des sondages... 
 ©  Jean-Luc Lamache/ Inrap
Les archéologues ont exploré une superficie totale de près de 2 hectares en procédant à des sondages...  © Jean-Luc Lamache/ Inrap
Autour de ces espaces bâtis, d'autres vestiges (un puits, des fosses dépotoirs et une mare) ont en effet été relevés qui témoignent de l'exploitation agricole de la parcelle autour du IIe siècle après J.-C. De petits objets en excellent état de conservation ont été exhumés. Des épingles en os, des clés en bronze et du mobilier en fer (émondoir, serpette notamment).

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Les archéologues y ont découvert un système de 20 tranchées, dédiées à la culture, présentant des dimensions très régulières. « Cet aménagement témoigne d'une volonté d'organisation et de production centralisée », expose Jean-Luc Lamache, responsable des fouilles. La question de l'essence végétale cultivée sur place interroge désormais la communauté scientifique. Il pourrait en effet s'agir des plus anciennes traces de culture de la vigne retrouvées dans l'ouest de la France.

Prudence des experts

À ce stade, les scientifiques restent prudents. L'aménagement mis au jour à Frénouville pourrait tout aussi bien correspondre à l'organisation d'un verger pour des arbres fruitiers. Mais la découverte de plusieurs outils en fer ressemblant à des objets découverts dans des zones viticoles du sud de l'Hexagone ne manque pas de semer le doute.

Parmi les objets retrouvés, cette serpette en fer. Un modèle utilisé à la fois dans la culture des arbres fruitiers et de la vigne.
 ©  Jean-Luc Lamache/ Inrap
Parmi les objets retrouvés, cette serpette en fer. Un modèle utilisé à la fois dans la culture des arbres fruitiers et de la vigne. © Jean-Luc Lamache/ Inrap
L'analyse des prélèvements de sédiments réalisés sur place tranchera prochainement la question. L'étude des pollens et des graines retrouvés dans les sols permettra ainsi d'y voir plus clair non seulement sur la nature des cultures réalisées, mais aussi sur l'environnement direct de l'exploitation. Ce qui permettra d'établir quels paysages entouraient le site à la période gallo-romaine.

Des vins consommés depuis plus de 2 500 ans en Gaule

Au Haut-Empire (entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère), il est aujourd'hui établi que l'arboriculture était pratiquée sur l'ensemble du territoire hexagonal. Ces vingt dernières années, les archéologues ont notamment retrouvé de nombreuses traces de vignes de l'époque gallo-romaine. Quasiment toutes dans le sud de la France. Les plus anciennes, datées autour du Ve siècle avant notre ère, ont été identifiées vers Marseille.

À LIRE AUSSI En Pologne, la découverte d'une mystérieuse cité fortifiée vikingLa consommation de vin sur l'ensemble du territoire de la Gaule est établi dès les débuts de la conquête romaine (entre 58 et 51 avant J.-C.). Comme en témoignent les nombreuses amphores exhumées sur des dizaines de sites à travers la France, mais aussi les pressoirs et les outils, comme des serpettes du même type que celle de Frénouville… Des tranchées correspondant à des plantations de vignes ressemblant à celles mises au jour en Normandie ont, en outre, été découvertes en 2009 à Saint-Laurent-d'Agny, près de Lyon. Elles dataient de 40 avant J.-C.

Vigne ou pomme, quelle que soit la nature des cultures, il est plus que probable que les habitants de cette ferme de la plaine de Caen consommaient une boisson fermentée correspondant à l'ancêtre de notre calva. La consommation de vins et spiritueux, tirés des fruits, est attestée depuis la préhistoire. Les premiers produits tirés du raisin remontent précisément au mésolithique : soit entre 10 000 et 6 000 avant J.-C.

Une récolte archéologique fabuleuse

La découverte de Frénouville survient au moment où l'Inrap publie son rapport annuel, qui met en lumière, en 2022, une activité particulièrement importante de ses 2 300 collaborateurs. L'établissement public dédié à la recherche archéologique préventive, c'est-à-dire aux fouilles de sauvetage réalisées dans l'urgence avant un chantier, a signé l'an dernier près de 2 100 diagnostics à travers la France.

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Commentaires (10)

  • kdb1

    @guy bernard

    Merci pour vos précisions sur le verjus.

    Pour ce qui est des bâtiments en pierre, il y a non loin de cette découverte, à quelques kilomètres, au sud ouest de Caen, une ville gallo-romaine fameuse : Vieux (ou Vieux-la-Romaine). Aregenua était le chef-lieu de la tribu gauloise des Viducasses. La création du diocèse à Bayeux et non à Vieux l'a faite tomber dans l'oubli, au Bas-Empire.

    Il serait intéressant de voir si Frénouville se situe sur une voie romaine menant à Vieux.

  • titi toto lili

    Si vigne il y a eu, réchauffement climatique également car quand on connait la Normandie...

  • guy bernard

    @kdb1
    bonjour kdb1
    ce que l'on appelle vin à cette époque était un vin de messe aromatisé et épicé, généralement entre les mains de juifs de la région de Worms en Allemagne, le reste était un verjus imbuvable, comme vous le dites justement.
    Ces ventes ont donné lieu à des factures, et plus tard, lors de la premiere croisade, les croisés ont détourné leur chemin vers Jérusalem vers Worms, Mayence, etc. , pour des actes considérés à tort comme antisémites alors qu'il s'agissait d'annuler leurs dettes.
    Le vin a une énorme importance dans l'Histoire de France.
    cdt