Mort de Bernard Pivot : Emmanuel Macron salue « un passeur, populaire et exigeant... »

Le journaliste et écrivain est mort à l’âge de 89 ans. L’animateur d'« Apostrophes » a, toute sa vie, œuvré à transmettre le plaisir de la lecture.

Par C.M. et A.P-V.

Bernard Pivot, journaliste et écrivain, est décédé le lundi 6 mai à l'âge de 89 ans.  
Bernard Pivot, journaliste et écrivain, est décédé le lundi 6 mai à l'âge de 89 ans.   © Jean-Philippe BALTEL/SIPA BALTEL/SIPA

Temps de lecture : 4 min

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La littérature à l'heure de grande écoute. Les fauteuils d'Apostrophes ont vu défiler pendant quinze ans auteurs connus ou inconnus venus présenter leur dernier livre. Bernard Pivot, présentateur et hôte d'une soirée, menait calmement l'émission et ses débats. Le journaliste, qui laissait ses invités aller au bout de leur réflexion sans les interrompre, est mort, lundi 6 mai 2024, à l'âge de 89 ans.

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« L'habitude des radios de m'appeler à la mort d'un écrivain est si grande que, le jour où je mourrai, elles m'appelleront », tweetait en 2016 Bernard Pivot. Journalistes, écrivains, institutions, tous saluent la mémoire d'un homme qui avait le plaisir de partager « la gourmandise des mots ». C'est avec « une profonde tristesse » que l'Académie Goncourt a appris le décès de celui qui a rejoint l'institution en 2004 avant d'en être le président de 2014 à 2019. En début de soirée, le président Emmanuel Macron a adressé sur X quelques mots en souvenir du grand journaliste : « Apprendre à écrire avec ses dictées, à découvrir livres et auteurs avec Apostrophes, à vivre avec l'esprit français, de conversation, de curiosité, de gourmandise. Bernard Pivot restera ce passeur, populaire et exigeant, cher au cœur des Français. »

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« Une énergie souriante »

« Bernard avait su faire bénéficier l'académie de son insatiable curiosité littéraire, de son engagement infaillible au service du monde des lettres, ainsi que de son honnêteté et de sa haute morale, explique le célèbre cénacle littéraire. Sans relâche, il a consacré une énergie souriante au rayonnement de nos missions, aussi bien en France qu'à l'étranger. » L'Académie Goncourt gardera le souvenir « d'un être érudit mais jamais pédant, pour lequel la camaraderie, la bonne humeur et le bon vivre étaient des valeurs aussi importantes que l'excellence littéraire ».

« C'était un immense lecteur, il avait une curiosité absolument sans borne », se souvient Pierre Assouline. Mais le membre de l'Académie Goncourt préfère d'abord souligner ses qualités humaines. « C'était la loyauté et l'indépendance d'esprit. C'était quelqu'un de bien, à qui on peut se confier. » En 1985, Pierre Assouline commence à travailler pour Lire, la revue littéraire de Bernard Pivot. Il le vouvoiera jusqu'à son élection à l'Académie en 2012. « Une fois l'élection passée, son premier mot pour moi, sa première phrase, ça a été : Maintenant, on se tutoie », se remémore-t-il. « Je ressens aujourd'hui une immense tristesse, un grand vide. »

« J'étais trop jeune à l'époque d'Apostrophe pour le regarder, d'autant qu'à la maison, il fallait se coucher tôt », rembobine Jean-Baptiste Andrea. Le lauréat du prix Goncourt 2023 avec son quatrième roman Veiller sur elle a donc connu a posteriori Bernard Pivot via les rediffusions de l'INA. « Tous les grands auteurs que j'aime ou presque sont passés chez lui, il est donc devenu pour moi une forme de bibliothèque audiovisuelle dans laquelle j'allais puiser. »

« Ce n'était pas scandaleux d'apprécier en même temps le vin, le foot et la littérature »

Autre ami du journaliste, Erik Orsenna parle d'une « incarnation vivante de la confiance et de la liberté ». « Il montrait qu'on pouvait aimer la vie et la littérature, que ce n'était pas scandaleux d'apprécier en même temps le vin, le foot et la littérature et qu'on pouvait aussi ne pas choisir ou plutôt de choisir l'entièreté de la vie, avec une gourmandise et une générosité incroyables. »

L'académicien rappelle ce « souvenir énorme » quand il fut invité pour présenter son roman L'Exposition coloniale. « ll avait réuni les favoris du Goncourt dans le salon du restaurant Drouant, en même temps que le président de l'Académie Goncourt, Hervé Bazin, qui venait de publier un roman. Bernard avait demandé à chacun des favoris du Goncourt ce qu'il pensait du roman… du président de l'Académie Goncourt. J'avais prévu le coup et, pour éviter de faire de la confiture, je m'en étais sorti avec cette phrase : C'est comme si vous demandiez à François Mitterrand ce qu'il pense de sa "Lettre à tous les Français".  » Les deux amis avaient leurs habitudes à la brasserie du Lutetia, dans le 6e arrondissement de Paris. « La dernière fois, c'était il y a quinze jours, et nous devinions que c'était la dernière fois. »

« Ce n'était pas un homme de clivages, de frontières, il parlait à toutes les générations, à toutes les classes sociales, à ceux qui avaient des diplômes et à ceux qui n'en avaient pas, souligne l'académicienne Dominique Bona. C'était un rendez-vous populaire, dans le bon sens de ce mot, qui n'empêche pas l'excellence. » L'autrice du roman Le Manuscrit de Port-Ébène, prix Renaudot en 1998, se souvient d'un « style inimitable, assez truculent ». Et derrière son amour pour les livres, de sentir un amour « du bon vin, de la bonne chère ». « Comment appeler cela ? De la générosité, sans doute. »

Pascal Bruckner, membre de l'Académie Goncourt, salue « une grande figure des lettres qui disparaît, un passeur tout à fait singulier qui existe nulle part ailleurs et n'existera probablement plus jamais en France. Il a inauguré une période qui ne reviendra plus : une période où un seul homme, par sa présence et sa régularité, pouvait convoquer la France entière, entraîner des débats et des passions. Il a inventé une mise en scène des romans, un genre qui n'existait pas ailleurs, a ainsi rapproché les Français de leur propre littérature. » L'essayiste se souvient : « Passer chez Pivot, c'était la certitude de vendre des centaines voire des milliers des livres, dès les jours suivants ! C'était extraordinaire. Parce que c'était la possibilité de vivre de son œuvre, et cela se préparait comme un examen pour les auteurs, comme un grand oral. »

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Commentaires (5)

  • Petit malin

    Grande perte d'un grand monsieur.
    Il avait une liberté de ton, aucun tabou et recevait tout le monde.
    Je me demande si aujourd'hui, il ne serait pas cloué au pilori ou traité comme JF Achilli.
    Je pense que nos petits "gardes rouges" ne le supporteraient pas plus que Finkielkraut ou Onfrey dont ils empêchent les conférences.
    Il manque terriblement...

  • JimCH68

    Hanouna prendra le relais pour la langue et pour la culture

  • michandre

    Certes, on ne peut rien joindre sur ce site. Mais est-il possible d'y glisser une larme ? Mais c'est aussi une part de notre jeunesse qui part.