Taxation des SUV à Paris : une mesure qui fait déjà grincer des dents

C'est face caméra qu'Anne Hidalgo a annoncé l'organisation, le 14 novembre, d'une nouvelle votation citoyenne, sur le même modèle que celle qui avait mis fin aux trottinettes électriques dans la capitale. Le vote, prévu le 4 février 2024, portera sur une mesure qui prévoit de faire payer plus cher le stationnement aux automobilistes qui ont de gros véhicules ou des SUV nommément désignés, qui par leur poids polluent plus. Les associations d'automobilistes dénoncent un projet peu réaliste.

Les SUV (pour Sport Utility Vehicule) sont de plus en plus appréciés des Français. C'est ce qui ressort d'une récente étude de la WWF, qui s'en inquiète, citée par la maire de Paris dans sa présentation de la consultation citoyenne. Leurs ventes ont été multipliées par sept en seulement dix ans, si bien qu'aujourd'hui ils représentent 40 % des acquisitions de voitures neuves. Mais l'engouement pour ces véhicules lourds et imposants contrarie la Mairie de Paris dans sa lutte contre la pollution automobile.

« Stop aux dérives des constructeurs »

Le projet présenté par Anne Hidalgo s'est largement inspiré de celui de son homologue lyonnais, Grégory Doucet (EELV), qui combine mesures antipollution et sécurité routière. « Les SUV sont 20 % plus polluants que les véhicules ordinaires », explique la maire de Paris. Dans sa vidéo d'annonce, l'édile socialiste affirme aussi s'inquiéter pour la sécurité des piétons parisiens en faisant référence à l'étude de l'Insurance Institute for Highway Safety. Cet institut avait observé que les blessures corporelles causées par un véhicule de type SUV étaient 50 % plus graves que celles causées par d'autres types de voitures. « Avec cette votation, nous voulons dire stop aux dérives des constructeurs », a affirmé Anne Hidalgo, qui accuse les constructeurs automobiles de pousser incessamment les consommateurs à « acheter des véhicules toujours plus gros, plus chers, plus gourmands en matières premières ».

« Le SUV est un type de véhicules qui combine des caractéristiques d'une voiture de tourisme avec celles d'un véhicule utilitaire, souvent caractérisé par sa taille plus grande et son poids plus important », telle est la définition donnée par la Mairie de Paris sur la page dédiée à la prochaine consultation citoyenne. Une définition que ne partage pas Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de défense des conducteurs : « On tombe dans la caricature, on s'aperçoit sur le site même de la votation que la définition du terme SUV est mal comprise et mal appréhendée, donc on arrive à une initiative navrante. »

Alors que la Mairie de Paris affirme qu'un SUV pèse 200 kg de plus qu'un véhicule standard, est plus long de 25 cm et plus large de 10 cm, Pierre Chasseray, porte-parole de l'association 40 Millions d'automobilistes, préfère inclure cette évolution dans un mouvement plus global du marché automobile : « En regardant la taille des véhicules de 1960 à aujourd'hui, on se rend compte qu'ils n'ont pas gagné en longueur. Ils sont plus hauts et effectivement plus larges, mais cette largeur s'explique par la transformation de la banquette arrière en siège, qui sert aujourd'hui à protéger les passagers. »

L'autre grand argument utilisé par la maire de Paris est celui du poids, causant une plus grande pollution. Les associations d'automobilistes le contestent également : « Cette hausse de poids se justifie par l'ABS (système antiblocage des roues d'un véhicule), par l'antidérapage, par la clim mais également par les équipements de sécurité », explique Alexandra Legendre.

Qui est pénalisé ?

« On ne peut pas reprocher à des parents de vouloir acheter ces véhicules parce qu'il y est plus simple d'installer leurs enfants à l'intérieur », déclare la porte-parole de la Ligue de défense des conducteurs. Si cette mesure est adoptée, les familles seront les premières à être impactées. C'est en tout cas ce qu'affirme également Pierre Chasseray : « En interdisant le SUV sur un critère de poids, vous pénalisez les véhicules familiaux et donc des familles. » Pour lui, l'augmentation des SUV va de pair avec l'abandon du monospace : « Si les clients ont basculé vers le SUV, c'est parce qu'il répond à des besoins de modularités. Quand vous avez une famille, vous avez un hayon et non un coffre, vous avez un peu de hauteur qui permet de compenser l'absence de longueur des monospaces. »

Parmi les autres critiques, l'iniquité de traitement entre les Parisiens et les Franciliens. La Mairie de Paris a annoncé que les résidents parisiens et professionnels stationnés dans leur zone résidentielle ne seraient pas concernés par cette mesure. L'application de la taxe impacterait donc davantage les Franciliens : « Les Parisiens intra-muros sont entre 30 et 40 % à avoir une voiture et ils ont la chance d'avoir accès à des transports en commun relativement fiables », affirme Alexandra Legendre.

Le porte-parole de 40 Millions d'automobilistes dénonce, lui, la manœuvre politique : « On interdit aux autres ce qu'on ne s'interdit pas à soi. » Si cette mesure est adoptée par les Parisiens le 4 février prochain, rien ne dit qu'elle sera légalement applicable…