Tableaux de bord : rendez-nous les boutons !

L’automobile moderne se pique de numériser les fonctions au travers d’écrans tactiles et d’obscures arborescences, nuisibles à la sécurité. Démonstration.

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Le tableau de bord numérique, façon ordinateur, est très amusant à l'arrêt. Mais franchement dangereux dès que l'on roule
Le tableau de bord numérique, façon ordinateur, est très amusant à l'arrêt. Mais franchement dangereux dès que l'on roule © Glenn Lindberg/Vi Bilägare

Temps de lecture : 5 min

Sur un stand de salon de l'auto – il y en a de moins en moins, il est vrai – ou en vidéos de démonstration, les tableaux de bord en écrans de plus en plus géants font leur effet « guerre des étoiles ». Ne pas en avoir, c'est ne pas être dans la modernité comme ce sera bientôt le cas pour un moteur électrique, substitut, paraît-il, obligé du moteur thermique. Sauf que ces écrans tactiles popularisés par Tesla, qui en a fait un outil de marketing remarquable, sont très bien… à l'arrêt.

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Lorsqu'il s'agit de rouler avec ces engins de nouvelle génération et de rechercher une fonction précise qui soit immédiatement disponible, c'est une autre histoire. Et lorsqu'on roule à 80 km/h ou 130 km/h, chaque seconde passée à ne pas regarder la route compte. Avec ces nouveaux véhicules technologiques, un stage d'initiation à l'informatique devrait être la condition sine qua non avant toute remise des clés à un nouvel impétrant. Et même si celui-ci est informaticien, il devra s'y plier aussi, car la logique des interventions sur les fonctions varie d'une marque à l'autre, voire d'un modèle à l'autre selon la génération.

En effet, ces tableaux de bord peuvent évoluer constamment en fonction des avancées qui, au travers d'une mise à jour, ajoutent une strate de complexité à ce qui était déjà foisonnant. C'est même tout leur intérêt pour les constructeurs qui standardisent ainsi leurs tableaux de bord. Comme un smartphone distrait un piéton, un cycliste ou un conducteur d'engin à moteur, ces vastes écrans captivants par leurs couleurs, l'abondance de leurs fonctions – pour certaines parfaitement inutiles – se montrent aussi chronophages. En détournant longuement l'attention de la route pour ce qui devrait être la première mission du conducteur : guetter le danger pour mieux anticiper les manœuvres d'urgence afin de l'éviter.

Temps de cerveau disponible

Nous traduisons parfois ce désarroi dans nos essais, mais personne n'avait vraiment essayé d'apprécier au milieu de ces sollicitations diverses le « temps de cerveau encore disponible » pour la conduite elle-même. Notre confrère le magazine automobile suédois Vi Bilägare a effectué un test édifiant cet été du système HMI (Human-Machine Interface) avec une douzaine de voitures informatisées. Et la conclusion est sans appel : « les équipes de conception de la plupart des constructeurs automobiles aiment abandonner les boutons et interrupteurs physiques, bien qu'ils soient de loin supérieurs en termes de sécurité ».

La méthode est au fond assez simple. Vi Bilägare a rassemblé onze voitures modernes de différents constructeurs sur un aérodrome et a mesuré le temps nécessaire à un conducteur pour effectuer différentes tâches simples, comme changer de station de radio ou régler la climatisation. Cet exercice était effectué alors que la voiture roulait à 110 km/h dans un environnement sans circulation et de ce fait très sécurisé. Comme point de comparaison, les testeurs ont choisi une voiture de l'ancien temps, dépourvue d'écran tactile, une Volvo V70 de 17 ans.

Afin de ne pas plonger les conducteurs testés dans l'inconnu, chacun d'entre eux a pu, au préalable, se familiariser avec chaque voiture et son système d'info-divertissement. Tesla par exemple n'a pas été le premier à introduire un écran tactile, mais c'est celui qui a supprimé toute fonction classique alentour et rassemblé sur l'écran en mode portrait un maximum de fonctions, jusqu'au contrôle des essuie-glaces ! Plus difficile à intégrer qu'un bon vieux commodo si l'averse est soudaine.

Les autres constructeurs dits « historiques » ont toujours conservé un deuxième écran, dédié aux instruments, mais capable de relayer (Audi, Mercedes etc.) selon différentes vues la cartographie GPS de l'écran central.

L'informaticien n'est pas un conducteur

BMW sur la iX propose aussi un écran tactile de taille plus raisonnable et a conservé des boutons physiques pour les fonctions à action immédiate. « Mais, relève Vi Bilägare, ce n'est pas une garantie pour un système facile à utiliser. Il possède de nombreuses fonctionnalités, mais également l'une des interfaces utilisateur les plus complexes et les plus compliquées jamais conçues. »

D'autres comme Volkswagen et Seat ont sorti, à juste titre, de l'écran les commandes de climatisation, mais les touches physiques ne sont pas rétroéclairées et donc introuvables la nuit. La commande vocale pourra suppléer cela… si elle comprend ce que vous demandez au lieu de vous faire répéter plusieurs fois la même chose. Cet aléa trop fréquent a logiquement exclu la fonction vocale du test. Les conducteurs se sont donc contentés d'exécuter à la suite les interactions suivantes :

1- Activer le siège chauffant, augmenter la température de deux degrés et démarrer le dégivreur.

2- Allumer la radio et régler sur une station spécifique

3- Réinitialiser l'ordinateur de bord.

4- Réduire l'éclairage des instruments au minimum et éteindre l'affichage central.

Un exercice moins simple qu'il n'y paraît quand, à 110 km/h, on parcourt 31 mètres à la seconde, soit une file de six ou sept voitures arrêtées. Les résultats parlent d'eux-mêmes. La voiture la moins performante a besoin de 1 400 mètres pour effectuer les mêmes tâches que la voiture la plus performante exécute en 300 mètres. Soit un différentiel de 1 100 mètres durant lesquels il peut se passer beaucoup de choses.

L'attention détournée par les écrans multiplie les risques d'accidents alors qu'une voiture lancée à 110 km/h accomplit 31 mètres à la seconde. La bonne vieille Volvo ne réclame que 300 mètres pour executer les commandes du test contre cinq fois plus à la plus mauvaise des 11 voitures testées
 ©  Vi Bilägare
L'attention détournée par les écrans multiplie les risques d'accidents alors qu'une voiture lancée à 110 km/h accomplit 31 mètres à la seconde. La bonne vieille Volvo ne réclame que 300 mètres pour executer les commandes du test contre cinq fois plus à la plus mauvaise des 11 voitures testées © Vi Bilägare

Et surprise pour certains, la voiture la plus facile à comprendre et à utiliser, de loin, est la Volvo V70 datant de… 2005. Les quatre tâches sont traitées en dix secondes chrono, pendant lesquelles la voiture parcourt 306 mètres à 110 km/h.

Le tableau de bord de la Volvo V70 de...2005, avec ses multiples boutons, est pourtant le plus facile à assimiler par tous les testeurs. CQFD
 ©  L’automobile moderne se pique de numériser les fonctions au travers d’écrans tactiles et d’obscures arborescences, nuisibles à la sécurité.
L’automobile moderne se pique de numériser les fonctions au travers d’écrans tactiles et d’obscures arborescences, nuisibles à la sécurité.
Glenn Lindberg/Vi Bilägare
Le tableau de bord de la Volvo V70 de...2005, avec ses multiples boutons, est pourtant le plus facile à assimiler par tous les testeurs. CQFD © L’automobile moderne se pique de numériser les fonctions au travers d’écrans tactiles et d’obscures arborescences, nuisibles à la sécurité. L’automobile moderne se pique de numériser les fonctions au travers d’écrans tactiles et d’obscures arborescences, nuisibles à la sécurité. Glenn Lindberg/Vi Bilägare

À l'autre extrémité de l'échelle, la voiture électrique chinoise MG Marvel R, pourtant de dernière génération, est bien moins performante. Le conducteur a besoin de 44,6 secondes avant que toutes les tâches ne soient exécutées. La voiture a alors parcouru 1 372 mètres, soit plus de quatre fois la distance nécessaire à l'ancienne Volvo.

BMW iX et Seat Leon fonctionnent mieux, mais les deux sont encore trop compliqués, estime Vi Bilägare. La Dacia Sandero s'en sort bien, car elle dispose, comme la Volvo C40 à la logique plus claire, de fonctions à l'écran plutôt limitées. Autre leçon de ce test, les écrans sont souvent mal placés, trop bas lorsqu'ils sont en mode portrait, ce qui est une erreur. Ils détournent en effet le regard du conducteur de 56 degrés pour voir l'extrémité inférieure de l'écran sur le Marvel R alors qu'il est de seulement 20 degrés dans le Mercedes GLB. L'expérience a parfois du bon.

Sur cette Mercedes avec un écran placé en mode paysage en haut de la planche de bord, le regard se rapproche de la route
 ©  Glenn Lindberg/Vi Bilägare
Sur cette Mercedes avec un écran placé en mode paysage en haut de la planche de bord, le regard se rapproche de la route © Glenn Lindberg/Vi Bilägare
L'écran orienté façon portrait mis à la mode par Tesla détourne trop le regard de la route
 ©  Glenn Lindberg/Vi Bilägare
L'écran orienté façon portrait mis à la mode par Tesla détourne trop le regard de la route © Glenn Lindberg/Vi Bilägare

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Commentaires (30)

  • Vinc27

    L’interface est véloce intuitive et sans perte de temps en recherche. L’Autopilote permet à la voiture de garder sa ligne en toute sécurité en toutes circonstances et n’aura pas d’accident sous AP. Par rapport aux multiples boutons des voitures thermiques il n’y a pas photo côté sécurité.
    Un accident pour 5, 3 millions de Km parcourus avec AP ;
    Un accident pour 2, 3 millions de Km sans AP ou en voiture thermique normale. Une Tesla avec l’écran critiqué est environ 2, 5 fois plus sure que nos anciennes voitures.

  • Alphal

    Je possède aussi une BMW 1200 GS LC avec écran TFT et pratiquement tous les packs. Je trouve que la facilité d’utilisation de l’interface conducteur via la molette à la poignée gauche n’est pas au top car il faut beaucoup naviguer dans des menus et sous menus pour choisir certaines fonctions assez utilisées (comme les modes de conduite ou le choix du mode de suspensions actives, la remise à 0 des trips etc. ). BMW a quand même eu le bon gout d’éviter l’écran tactile et donc la possibilité de manipulation avec une seule main au guidon et a fait du mieux possible sachant que les commodos sont déjà bien chargés avec des boutons de commande directe. De plus en moto l’observation de l’écran est pratiquement dans le champ de vision de la route ce qui n’est pas toujours le cas en auto où il faut quitter les yeux de la route pour lire l’écran central qui se trouve à droite en bas, c’est le cas aussi de l’auto de Mme qui a pourtant un grand écran central en mode portrait posé très haut sur la console centrale.

  • Alphal

    Les véhicules équipés de série de ‘touches piano’ physiques avec une seule fonction par touche (rétro éclairée et avec témoin lumineux on/off) sont bien plus intuitifs et conviviaux. Les écrans et leurs menus (y compris les touches tactiles) ne doivent être réservés qu’aux fonctions accessoires que l’on sollicite une fois avant démarrage, voire moins souvent. Certains constructeurs automobiles historiques y arrivent parfaitement bien.