Automatisation à Météo-France : « Il va falloir faire attention avec l’application »

Les syndicats déposent un deuxième préavis de grève pour alerter sur les conséquences de l’automatisation sur la qualité des prévisions et le bien-être des agents.

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L'automatisation des prévisions chez Météo-France suscite d'importantes craintes chez les prévisionnistes (Image d'illustration).
L'automatisation des prévisions chez Météo-France suscite d'importantes craintes chez les prévisionnistes (Image d'illustration). © Jeanna Accorsini - Sipa

Temps de lecture : 5 min

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La crise continue à Météo-France. Après une première grève « symbolique » en novembre, trois des quatre syndicats de l'établissement public – la CFDT n'a pas appelé à la grève, mais dit la soutenir – ont déposé un nouveau préavis courant depuis le 4 décembre et jusqu'au 7 janvier. Une façon de demander à la direction générale « de prendre la mesure de ce qu'il se passe plutôt que de faire un vrai appel à la grève », explique Steven Testelin, du SNM-CGT.

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Moins de cinq personnes étaient effectivement en grève, lundi 4 décembre, comme mardi 5, selon la direction, contre neuf selon les syndicats, mais « les signalements de risques psychosociaux augmentent, rapporte le syndicaliste. Les agents sont désemparés et en colère. Ce préavis sert surtout à le signaler à la direction et s'adresse à l'agent qui aurait une boule au ventre avant d'aller travailler. »

30 % d'effectifs en moins en quinze ans

Derrière ce rare conflit social, l'entrée en vigueur en novembre dernier du programme « 3P », pour « Programme Prévision Production », qui induit une réorganisation des services jugée trop brutale par les syndicats, sur fond de diminution d'effectifs.

Météo-France ayant perdu 30 % de son personnel en quinze ans, la production des prévisions météo pour le grand public, sur Internet et l'application mobile, est désormais entièrement automatisée par un tout nouvel algorithme, baptisé Alpha. Une façon, pour l'établissement public, de faire « évoluer la façon dont il produit ses prévisions », explique la direction.

À LIRE AUSSI Neige, pluie, froid… Ce qui vous attend pour le début de l'hiver météorologique « Grâce au progrès technique, écrit-elle, nous pouvons renforcer l'automatisation de notre base de données de prévision, ce qui permet à nos prévisionnistes de disposer de plus de temps à consacrer aux enjeux météorologiques les plus importants. » Or, selon les syndicats, qui font remonter la « souffrance » des salariés, le nouveau système n'a pas été suffisamment testé. Résultat : des bugs et des prévisions qui peuvent se révéler erronées pour un résultat « pire qu'attendu », selon Steven Testelin.

28 °C à Strasbourg en décembre

« Nous nous attendions à ce qu'il y ait des problèmes, mais c'est pire que prévu, expose-t-il. Nous n'avons jamais défendu l'idée de ne pas basculer, nous n'avions de toute façon plus le choix en termes d'effectifs. Mais le personnel a été réduit en faisant le pari d'un progrès technologique qui n'existait pas encore, et c'est un pari perdant. On ne remet pas en cause la qualité des développeurs, qui ont travaillé à une vitesse incroyable, mais la bascule a été bien trop précoce. On travaille en opérationnel sur un système qui est encore en phase de test. »

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La direction assure, elle, que « des indicateurs de qualité ont été évalués sur plus d'une année de données » et que « les tests réalisés » laissent voir des « améliorations majeures sur certains paramètres, une qualité identique ou légèrement meilleure sur d'autres et un nombre limité de sujets devant encore être améliorés ».

Mais si le bug responsable d'une prévision de 28 °C à Strasbourg en décembre a effectivement été corrigé, d'autres continuent à être remarqués par les prévisionnistes. À titre d'exemple, l'application prédisait ainsi des pluies en Bourgogne, par une température négative, alors que de la neige était annoncée quelques kilomètres plus loin. Au sud de l'Île-de-France, - 3 °C étaient prévus, accompagnés d'une pluie non verglaçante, tandis que la neige devait tomber à Paris, ce qui ne s'est pas produit.

« De la neige par 10 °C »

« Il va falloir faire attention avec l'application, déplore Steven Testelin. Dans une bonne partie des cas, ce qui y sera affiché sera relativement correct, même s'il pourra pleuvoir sans que ce soit annoncé. Mais si vous constatez quelque chose d'incohérent, de la neige par 10 °C par exemple ou de la pluie par - 2 °C, il faudra se poser des questions. »

Les vigilances ne sont en revanche pas concernées par le dispositif, et leur fiabilité n'est pas remise en question. Il faut donc s'y référer dans l'absolu, et ne pas s'inquiéter en cas de prévisions météo alarmantes si elles ne sont pas accompagnées d'une vigilance orange ou rouge.

« Si vous voyez dans l'application quelque chose qui a l'air dangereux mais qu'il n'y a pas de vigilance, résume Steven Testelin, il faut se dire que l'algorithme se plante. À l'inverse, si une vigilance est mise en place, il faut aller lire le bulletin et s'y tenir, même si l'application dit l'inverse. »

Perte de sens au travail

Un prévisionniste au siège de Toulouse est pour le moment « chargé d'assurer la qualité et la cohérence de cette base de production automatique » et « d'y apporter des corrections » en lien avec les régions, selon la direction. Mais pour les syndicats, cela ne suffit pas : il faudrait que davantage de prévisionnistes régionaux soient maintenus à leur poste pour pouvoir corriger les erreurs potentielles, même si l'algorithme va s'améliorer avec le temps.

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Ces couacs pèsent également sur le moral des équipes, qui voient la qualité de leur travail remise en question. « La démultiplication des outils induit un énorme stress, alerte Steven Testelin. Comme on est encore en phase de test, les consignes changent tous les matins… On ne sait plus très bien ce qu'on doit faire pendant une journée de travail, tout est chamboulé. Des clients nous appellent pour se plaindre, parce que la qualité des prévisions baisse, parce qu'il y a un manque de cohérence… C'est dur à vivre pour les agents qui sont tous très attachés à un service public de la météorologie. Il y a une perte de sens au travail. »

La direction assure, de son côté, porter « une attention particulière aux conditions de travail » des agents et consacrer « des moyens importants à la formation ». La crise semble en tout cas partie pour durer quelque temps.

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Commentaires (16)

  • syrcins

    C'est bien le sort que l'on réserve aux politiques dénonçant des réalités sociétales... On les casse en les qualifiant d'extrême droite...
    Bon ben pourquoi ne pas faire pareil avec les thermomètres, Copernicus, et les membres du Giec qui disent que les températures relevées sont en hausse ? Même si c'est vrai ? Ils sont d'extrême gauche en attribuant cela à nos activités humaines, donc pas crédibles...

  • Papy IA

    @Saint cat : vous avez bien raison les climato-negationistes de dire : si ce que dit le thermomètre ne vous plaît pas, il suffit de casser le thermomètre. Malheureusement pour vous, Copernicus (un gros thermomètre en orbite terrestre) vient d'évaluer l'année 20023 comme la plus chaude depuis l'air industrielle. Mais je me doute bien que cette nouvelle, vous allez superbement la nier, comme tout ce qui montre année après année les conséquences catastrophiques du réchauffement climatique anthropique.

  • Vieille école

    Qu'importe la variation de l'effectif payé par nos impôts pour faire la pluie et le beau temps, la privatisation de cette activité serait la seule mesure de bon sens. Que l'Etat s'occupe du régalien, et de rien d'autre, ni la météo, ni l'information notamment ! Et suppression d'une garantie de l'emploi à vie avec progression à l'ancienneté, 2 boulets aux pieds pour freiner l'engagement personnel et le bien de tous, au final.