Mort de Nahel : les protagonistes réunis pour une reconstitution

Près d’un an après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un tir des forces de l'ordre, la justice organise une reconstitution avec les deux policiers et les témoins présents sur place.

Par Nathan Joubioux pour Le Point (avec AFP)

Une reconsitution du jour au cours duquel Nahel a été tué est organisée ce dimanche (image d'illustration).
Une reconsitution du jour au cours duquel Nahel a été tué est organisée ce dimanche (image d'illustration). © Lewis Joly/AP/SIPA / SIPA / Lewis Joly/AP/SIPA

Temps de lecture : 5 min

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L'affaire avait été le déclencheur de plusieurs nuits de révolte d'une intensité exceptionnelle dans les rues de plusieurs villes de France. Près d'un an après la mort de Nahel, jeune de 17 ans tué le 27 juin 2023 par un tir de police, la justice organise une reconstitution des faits en présence des protagonistes, à partir de 9 heures, ce dimanche 5 mai, à Nanterre. Selon des sources proches du dossier et Me Nabil Boudi, l'avocat de la mère de Nahel, les deux policiers présents ce matin-là, dont Florian M., mis en examen pour homicide volontaire, seront présents.

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Ce dernier, auteur du tir mortel, portera une cagoule pour éviter d'être reconnu, a confirmé son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, explique France Info. « C'est une demande habituelle, fréquente, que je formule pour chaque client lors des reconstitutions », précise-t-il. Florian M., 38 ans, « reste combatif et continue à se défendre », a-t-il également avancé. Outre les deux policiers directement concernés, des témoins présents au moment des faits seront également présents. « Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort », a souligné Me Nabil Boudi, auprès de l'AFP.

Un important dispositif de sécurité

De nombreux gendarmes et policiers ont été déployés pour entourer la place Nelson-Mandela, où la voiture conduite par Nahel a fini sa course. Une douzaine de camions des forces de l'ordre et des barrières empèchent l'accès à la zone, des policiers sont visibles sur les toits du quartier et un drone survole la scène. Le tronçon de route où le policier a tiré sur Nahel est caché des regards par des barricades métalliques.

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Sur la place ont été acheminés des véhicules utilisés pour reconstituer les faits, notamment une voiture jaune ressemblant à la Mercedes que Nahel conduisait le jour de sa mort avec deux passagers de 14 et 17 ans à son bord. En milieu de matinée, la reconstitution s'était déroulée dans le calme. Quelques passants ayant à revoir leurs itinéraires matinaux s'en sont plaints aux médiateurs de la ville déployés en nombre et reconnaissables à leurs cirés rouges. « Ils rouspètent », a commenté en souriant l'un d'entre eux, qui a souhaité garder l'anonymat.

Refus d'obtempérer et menaces des policiers

Vers 8 heures du matin le 27 juin, les motards repèrent une Mercedes jaune immatriculée en Pologne roulant à « vive allure » sur une voie de bus. Les policiers activent alors leur gyrophare, se portent à hauteur du véhicule à un feu rouge et lui demandent de stationner. La voiture redémarre, grille le feu et continue de rouler avant d'être coincée dans les bouchons. Les deux policiers mettent alors pied à terre et se placent sur le côté gauche de la voiture en « criant au conducteur de s'arrêter ». Les fonctionnaires disent « avoir tous deux sorti leurs armes et les avoir pointées sur le conducteur pour le dissuader de redémarrer en lui demandant de couper le contact ».

Et c'est ici que tout dérape. Les deux autres passagers présents dans la voiture affirment que les policiers portent des coups de crosse à Nahel. La voiture étant à boîte automatique et pas en position parking, elle redémarre. C'est là qu'un des policiers tire à bout portant dans le thorax du jeune homme, avant que la voiture ne termine sa course dans un bloc de béton, quelques dizaines de mètres plus loin.

La version des policiers mise à mal

L'enquête sur la mort de Nahel, devenue un symbole du débat sur les violences policières, doit notamment établir si l'usage de l'arme à feu était légitime.

Le premier rapport d'intervention des policiers mentionne que « le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire ». Une thèse rapidement infirmée par une vidéo de la scène diffusée sur les réseaux sociaux. On y voit les deux policiers sur le côté du véhicule, braquant le conducteur de leurs armes. L'un d'eux lui tire dessus alors que le véhicule redémarre.

Plusieurs mois plus tard, cette version est confirmée par les juges d'instruction du tribunal de Nanterre, qui assure que le véhicule n'a pas dévié vers la gauche, soit vers le policier, lorsqu'il redémarre.

De nouveaux témoignages viennent également s'ajouter au dossier. Cinq témoins racontent avoir vu les fonctionnaires donner des coups de crosse au conducteur. Un premier coup donné par le policier auteur du tir mortel et deux autres par son collègue, ce qu'ils contestent fortement. Mais le rapport d'autopsie va dans le sens des témoins : d'après les magistrats, il fait état de « deux ecchymoses au bras gauche » pouvant être interprétées comme des lésions de défense.

À LIRE AUSSI Émeutes après la mort de Nahel : ceux qui espèrent le chaosEnfin, des témoins disent avoir entendu « balle dans la tête » et « shoote-le » au moment de l'intervention des deux policiers, confirmant ainsi la version des deux passagers. Florian M. nie avoir prononcé cette phrase et assure avoir crié « coupe-le », en référence au moteur. L'exploitation vidéo de l'IGPN, elle, met en avant que les mots « une balle dans la tête » sont bien entendus.

Le policier libéré après cinq mois de détention

Florian M., âgé de 38 ans au moment des faits, a été placé en détention provisoire pendant cinq mois. Il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire en novembre après plusieurs demandes de son conseil. Les juges d'instruction « ont décidé d'y faire droit, estimant que les critères légaux de la détention provisoire du policier incarcéré depuis le 29 juin 2023 n'apparaissaient plus remplis à ce stade de l'instruction », a ajouté le parquet.

Ils estiment, en outre, qu'il existait encore « des divergences entre les différentes versions données », mais que « le risque de concertation » apparaissait « dans cette configuration, moins prégnant » et « ne saurait justifier la poursuite de la détention provisoire à ce titre ».

À LIRE AUSSI Mort de Nahel : au tribunal, des émeutiers plaident la « bêtise » et « l'euphorie » En attendant son procès, dont la date n'a pas encore été définie, le policier a interdiction d'entrer en contact avec les témoins et les parties civiles. Il ne peut pas, non plus, aller à Nanterre ni détenir une arme.

Après la remise en liberté du policier, Mounia, la mère de Nahel qui l'élevait seule, avait appelé à un rassemblement auquel plusieurs centaines de personnes s'étaient rendues dans le calme. « Un policier tue un enfant, arabe ou noir, devient millionnaire et sort de prison, retrouve sa famille tranquillement pour les fêtes », avait-elle déploré dans une vidéo, en référence à la cagnotte qui a récolté plus de 1,6 million d'euros en soutien à la famille du policier.

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Commentaires (21)

  • Brulau

    Malheureusement on connaît l’engagement des juges.

  • le Teckel a poils durs

    Mais que va dire m’bapé …. Cette attente est insupportable, vas y Kyllian une petite phrase pour la route des anges…

  • ici!

    Juste un petit commentaire en passant : ce genre de fait divers arrive presque tous les jours aux US.
    Après autant d’infractions causées par ce jeune Nahel (refus d’obtempérer, etc. , ) il n‘y a pas d’émeutes aux États-Unis ( sauf pour Georges Floyd et Rodney King (cas à part) mais en France on saccage tout sur son passage, on détruit des abris bus, etc. , pour se venger aux frais du contribuable, qui devra payer pour reconstruire les infrastructures et bâtiments publics, qui ont été détruits. Juste pour un délinquant qui est mort.
    Sans doute, autre culture, autres mœurs.