Transports parisiens : le grand ras-le-bol

« Bagage oublié », « trafic perturbé »… Entre un réseau qui dysfonctionne et des usagers exaspérés, bienvenue dans l’enfer des transports parisiens.

par Marie Wielgocki

Temps de lecture : 6 min

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« Suite à un incident technique, le trafic est interrompu sur l'ensemble de la ligne », annonce le conducteur de ce RER A stationnant à Châtelet-Les Halles depuis déjà quelques minutes. Les réactions à bord de la rame se font discrètes, mais plusieurs passagers ne peuvent pas retenir leur agacement. Certains lèvent les yeux au ciel, d'autres soupirent. Les travailleurs s'empressent d'écrire à leur patron que, ce matin encore, ils seront en retard.

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Des situations similaires à celle-ci, des millions de Franciliens et de Parisiens y sont habitués. Le constat est clair : la qualité du réseau se dégrade d'année en année, alors que les tarifs continuent d'augmenter. La fatigue des usagers se fait ressentir. L'exaspération générale les pousse même à trouver une alternative pour se déplacer.

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Incident technique, panne de signalisation, bagage oublié, manque de personnel… Les lignes de RER et de métro, gérées par la RATP et SNCF Voyageurs, ne sont définitivement pas assez fiables. En octobre 2023, la Cour des comptes a publié un rapport sur la qualité de service du RER. Le score global de satisfaction des voyageurs est de 84 %, ce qui peut sembler correct. Dans le détail, hélas, le malaise est très perceptible.

En 2021, 58,5 % seulement des voyageurs des RER opérés par la SNCF étaient satisfaits de la ponctualité. La ligne C du RER n'atteint jamais ses objectifs en la matière, note la Cour des comptes. Sur le RER B, où « il ne se passe pas de semaine sans que des incidents de toute nature fassent l'actualité », rappellent les magistrats, seuls huit trains sur dix sont à l'heure sur certains tronçons. Autrement dit, un banlieusard qui prend le RER pour ses trajets domicile-travail est confronté à un problème deux fois par semaine. L'évaluation de satisfaction menée auprès des usagers se basait sur des données telles que « la ponctualité », « l'information en situation perturbée » ou encore « la propreté ».

Les lignes de métro aussi sont loin de satisfaire les voyageurs. Dans un rapport daté du 5 décembre 2023, Île-de-France Mobilités déplorait « une nouvelle dégradation du service des transports inquiétante », faisant état de lourdes difficultés pour les lignes 3, 6, 7, 8 et 13 « avec une ponctualité à l'heure de pointe inférieure à 85 % ».

Depuis le Covid, le réseau RATP malade

La lente dégradation du réseau de transport en Île-de-France, résultat d'années de sous-investissements chroniques, a été brusquement aggravée par la crise du Covid, période durant laquelle le trafic avait fortement diminué. « J'ai toujours habité à Paris et, avant le Covid, je ne me souviens pas d'avoir eu autant de problèmes de transport, c'était plus agréable de se déplacer », assure Corinne. Cette retraitée de 67 ans se rend chez sa fille tous les jours, en empruntant le RER B, pour garder ses petits-enfants.

Après la pandémie, « le redémarrage a été difficile, car il y a eu beaucoup de démissions », explique Bernard Gobitz, vice-président de la Fédération nationale des usagers des transports (FNAUT) d'Île-de-France. « On s'aperçoit qu'il y a un désintérêt pour les métiers du transport », affirme-t-il, précisant qu'il s'agit d'un « phénomène mondial ». Malgré des campagnes de recrutement et une revalorisation du métier, certains ont préféré devenir chauffeurs VTC ou se reconvertir dans des professions plus indépendantes.

« Il y a un nouveau phénomène très perturbateur : l'absentéisme », ajoute Bernard Gobitz. En effet, certains salariés des transports en Île-de-France ne se présentent pas le matin pour prendre leur poste, ce qui accentue les perturbations sur le trafic. Cet absentéisme s'ajoute aux difficultés liées au vieillissement du réseau et aux nombreux travaux d'entretien, de rénovation et de développement des lignes.

« Dire qu'on en a marre, c'est un euphémisme »

Rares, voire inexistantes, sont les journées où le réseau ne connaît pas de perturbations. En plus de représenter une perte de temps considérable, les interruptions et ralentissements du trafic engendrent pour les usagers une perte d'énergie. « Au-delà du fait que c'est terriblement agaçant, il faut dire que ça fatigue énormément », témoigne Géraldine, médecin de 58 ans qui emprunte la ligne 6 tous les jours pour se rendre à son cabinet. Julien, 28 ans, abonde. « Ça fatigue vraiment au quotidien, j'ai de la chance d'avoir quelques journées de télétravail pour y échapper », affirme ce consultant qui travaille à La Défense.

Lydia, étudiante en art de 20 ans, se dit « en colère ». « Dire qu'on en a marre, c'est un euphémisme », déclare la jeune femme, qui, n'ayant pas de voiture, n'a d'autre choix que de se rendre à l'université et au travail en transport en commun. Jean, agent immobilier de 32 ans, partage son agacement : « Ce qui m'énerve, c'est qu'on nous pousse à ne plus utiliser les voitures pour, au final, nous demander de nous entasser dans des transports bondés en permanence. » Corinne, la retraitée se rendant chez ses petits-enfants, explique que, pour éviter l'entassement, elle s'organise pour « éviter à tout prix les heures de pointe ». « Je ne supporte plus les mouvements de foule, ça m'angoisse. »

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Comment se passer des transports en commun ? « Depuis qu'ils ont retiré les trottinettes, j'essaie de prendre des Vélib' pour éviter certaines lignes qui sont soit bondées, soit en panne », explique Julien, le consultant de La Défense. Claude, sportif retraité de 67 ans, a arrêté de prendre les transports en commun il y a un an. « Maintenant, quand le temps s'y prête, je prends un vélo, ou le taxi quand il fait vraiment froid. »

Quentin, stagiaire dans un cabinet d'avocats parisien, explique avoir investi dans une trottinette personnelle « depuis qu'Hidalgo les a supprimées » pour se déplacer. Le jeune homme de 23 ans ajoute qu'il continue de prendre le métro pour les grandes distances mais fait très attention aux heures de pointe et aux alertes « info trafic » de l'application de la RATP. « En soi, c'est comme si on devait traverser un champ de mines, le but est de réussir à trouver un itinéraire sans encombre », ironise-t-il.

La grande inquiétude des Jeux olympiques

Cet été, « il est prévu que 100 % des spectateurs se déplacent par les transports publics », déclare le vice-président de la FNAUT. Alors que les Jeux olympiques de Paris arrivent à grands pas, les usagers de ces moyens de transport commencent à redouter l'affluence. En plus des millions de personnes qui fourmillent chaque jour dans les couloirs du métro s'ajouteront les touristes venus assister aux Jeux. « Je sens déjà la catastrophe arriver, ça va être terrible pour tous ceux qui travaillent, comme moi », déplore Adrien, infirmier de 37 ans qui doit travailler tout l'été.

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Bernard Gobitz explique que des stratégies sont déjà mises en place pour soulager la densité du trafic pendant cette période. Les conducteurs de bus de province sont ainsi invités à venir prêter main-forte à leurs collègues de la capitale. Et une autre méthode, déjà employée lors des Jeux olympiques de Londres en 2012, a déjà été avancée : Bernard Gobitz parle d'un « appel aux Franciliens pour les encourager à partir en vacances pendant les Jeux olympiques ». Reste à savoir si cet « appel » sera suffisant pour désengorger, ne serait-ce qu'un peu, les souterrains parisiens pendant l'été…

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Commentaires (42)

  • phdo

    Je ne comprends pas que dans un article sur la RATP, vous ne mentionniez pas les difficultés
    permanentes que subissent les "clients" qui se déplacent en bus : irrégularités des passages, temps d'attente excessifs, horaires aléatoires, affichages d'information aux arrêts en panne, quasi-disparition des plans de ligne à l'intérieur des bus, etc. , etc.
    C'est une situation de fait qui existe depuis plusieurs années, et les multiples chantiers de la mairie de Paris n'expliquent pas cet état de fait qui traduit une indifférence de la direction à la notion de qualité de service : les "usagers" ne sont toujours pas considérés comme des "clients" !
    Et si je dois reconnaitre l'extrême habilité des conducteurs dans une circulation souvent difficile, il faut aussi mentionner la brutalité fréquente des conduites : accélérations inutiles suivies de freinages musclés. Il vaut mieux être assis (on peut rêver), ne pas être trop agé... Outre le fait que ce n'est pas très écolo.
    cela !
    En suggérant que la RATP s'inspire de ce qui se pratique dans d'autres capitales, notamment à Londres, où la RATP est un opérateur... Parmi d'autres, ceci expliquant

  • MiladydeW

    Hélas, même sans habiter Paris, les banlieusards - hautement méprisés par mme Hidalgo - doivent parfois sd rendre à Paris. Un jour, toutes les entreprises quitteront Paris car personne ne voudra ou ne pourra plus venir travailler à Paris. Ce jour là, les bobos devront payer des taxes actuellement prises en charge par les sociétés... Vivement...

  • similare

    On nous avait vendu les JO comme une fête pour les parisiens, aux premières loges, et pour tous les français, invités à participer. Aujourd'hui ? Sauve-qui-peut, quittez Paris, oubliez les transports en commun, et payez les dégâts. Faute d'obtenir un poste flatteur à l'international (ils ne sont pas fous), Hidalgo veut rempiler, youppiiiiiiiiiiiiii