Voyager autrement – En selle avec les nouveaux accros du vélo

BIEN-ÊTRE. Ils sont partis en famille dompter l’asphalte des routes françaises sur deux roues. Ce qu’ils en retiennent ? La lenteur, un noyau plus solide, et des étoiles plein les yeux.

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Virginie et sa famille lors d'un séjour en vélo confectionné sur mesure par Chemins dans le parc naturel régional des Baronnies provençales.
Virginie et sa famille lors d'un séjour en vélo confectionné sur mesure par Chemins dans le parc naturel régional des Baronnies provençales. © DR

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Vous les aurez peut-être vus passer cet été, du côté de Chinon ou aux Saintes-Marie-de-la-Mer. Un attelage de quatre cyclistes, équipés de pied en cap, comme des professionnels. C'est Grégory, 50 ans, le père, ingénieur mécanique de précision, qui a lancé cette idée « farfelue » : traverser la France à vélo, depuis Cherbourg, en famille.

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Grégory et son fils, Clément, 17 ans, qui vient d'obtenir son bac avec mention très bien, ont l'habitude de pédaler. La mère, en revanche, Emmanuelle, cadre dans la finance, « n'a pas le temps de faire du sport », dénonce son mari, et leur fille de 13 ans, Adélie, en 4e, est plutôt branchée gymnastique. Rien qui prédispose cet escadron à dévorer des chemins de terre pour traverser la France du nord au sud. Et pourtant, la famille vient de parcourir « 1 200 kilomètres » au compteur, en seulement quinze jours.

Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage au pied du Château de Chauvigny
 ©  DR
Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage au pied du Château de Chauvigny © DR

Ils étaient partis pour des vacances anti-« train-train, avec la location saisonnière à la plage », ils ont connu une osmose familiale et le temps qui s'étire au fil d'un Cherbourg-Narbonne exceptionnel. « On a tout le confort toute l'année, et là, il faut se débrouiller seul », nous explique Grégory. « Apprendre à vivre avec l'essentiel » faisait partie de ses motivations premières, mais à l'arrivée, il retient surtout d'en avoir pris plein les yeux.

Une vision géographique de la France

Les premières réticences d'Adélie – « je n'aime pas le vélo » – se sont balayées, tandis que sont restés les « hameaux magnifiques », « le calme », « l'accueil des villageois » pour eux, « ces drôles de migrants ! ». Mais aussi « une vision géographique de la France », avec ses fleuves, la variété sans pareille de ses cultures, de la Normandie à l'Occitanie. Architecture, paysage, chaleur humaine, et puis la gastronomie découverte chaque jour au restaurant, « la clé de la réussite », selon Grégory, qui a œuvré comme un diable en amont pour caler ce périple sur du papier millimétré.

Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage à  Saint-Léon-sur-Vézère
 ©  DR
Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage à  Saint-Léon-sur-Vézère © DR

Un périple sur papier millimétré

Étude du parcours, grâce aux applis planificatrices OpenCycleMap et OpenRunner, évaluation des dénivelés pour trouver « les meilleurs passages en considération du niveau de la famille », alternance entre routes secondaires et voies vertes. Le choix des nuits en camping, pour avoir une « liberté totale » dans la progression, « parce que les gîtes nécessitent une réservation à l'avance ». Le père de famille est allé jusqu'à dresser la liste de tous les campings disponibles sur leur route, avant de conclure que « même en comptant les régions les moins touristiques, il y a en un tous les 20 kilomètres en moyenne ». Mais qui dit camping, dit tente, dit matelas pneumatiques et duvets. À embarquer en plus du change vestimentaire indispensable. En calculant a minima, la famille a dû tracter environ 40 kg de matériel, les garçons tirant cette charge, pour « équilibrer les niveaux et avoir une bonne progression de groupe ».

Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage par un chemin troglodyte près de Saumur
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Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage par un chemin troglodyte près de Saumur © DR

Mais cette organisation quasi militaire n'est pas tout. Il a encore fallu que Grégory descende une première fois à Narbonne en voiture, pour laisser son véhicule là-bas, et qu'il rentre en transports en commun, de façon à assurer la remontée de sa famille et des vélos. Parce qu'il était « impossible de trouver des places avec les vélos dans le TGV pour le retour ! » déplore le cycliste, qui aura donc dû, pour profiter de 1 200 km de vélo, faire 2 400 kilomètres en plus.

À LIRE AUSSI Voyager autrement : on a expérimenté la « vanlife » On peine à le croire, mais malgré la prise en considération de cet afflux nouveau de voyageurs, la SNCF conserve, sans mauvais jeu de mots, un train de retard. Sur les TGV inOui par exemple, on peut transporter en moyenne un à deux vélos par rame seulement, aucune remorque, longtail, ni vélo-cargo, et il faudra attendre 2024 pour voir ce chiffre évoluer. « Huit vélos par rame (de 740 passagers) dans les 115 TGV M, commandés à Alstom », nous répond un représentant de la compagnie ferroviaire, ce qui ne représente qu'environ 15 % de la flotte nationale… C'est peu, et trop peu pour espérer pouvoir emporter son deux-roues en juillet-août avant longtemps.

Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage au pied des Pyrénées
 ©  DR
Grégory, Emmanuelle, Clément et Adélie de passage au pied des Pyrénées © DR

Les cuisses de Bernard Hinault

D'autant que tout le monde n'a pas les facultés organisationnelles de Grégory, ni la chance d'avoir les cuisses de Bernard Hinault. « On n'est pas tous des sportifs », nous confie Virginie, assistante réalisatrice télé installée à Sète, assez mollement emballée au départ à l'idée de pédaler en vacances. Mais voilà, Simon, son mari graphiste, moteur dans cette entreprise, s'est chargé de tout, via un organisateur de séjours cyclés sur mesure : Chemins. Avec leurs filles âgées de 9 et 13 ans, la famille s'est donc mise en selle pour quatre jours et trois nuits dans la région des Baronnies provençales. Un parc naturel régional où Virginie a accepté « la carotte » d'un séjour hors du temps en famille, comme elle dit, tendue par Simon.

Une fois juchée sur son Yuba-cargo – un drôle de vélo électrique tout-terrain, pour emmener sa cadette trop jeune pour avoir son propre vélo –, elle a goûté au côté sportif (« il faut pédaler quand même »), tout en constatant que le « plaisir prend le pas sur l'effort ». « On a l'impression de pouvoir aller partout, on n'est pas fatigué, ça permet de profiter des paysages et du moment en famille », enchaîne la Sétoise.

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Le séjour rêvé par Simon, dans la bouche de Virginie, devient « inoubliable ». Une visite organisée chez un apiculteur ravit ses filles « si citadines », le « confort et la beauté » de sites où « glamper » (du camping chic et tout confort), un déjeuner de rêve sur une table en bois et une nappe à carreaux, deviennent les pierres blanches de ce séjour. Mais aussi une rupture dans le rythme quotidien. « Un moment de déconnexion, développe-t-elle. Décrocher du téléphone, passer du temps ensemble, avoir un rythme plus cool ; avec des ados, ça n'a pas de prix ! »
Le rapport au temps, qui permet de « créer du souvenir ensemble », c'est ce que retient également Chloé, qui a fait un tour similaire dans le parc des Baronnies. « 75 % de nos clients viennent en famille pour des formats de quatre jours en moyenne », explique Alexandre Lebeuan, qui a cofondé la florissante entreprise Chemins il y a un an. Chloé, Lyonnaise, et sa famille sont partis dans la même configuration, à quatre, un enfant de 7 ans encore en nacelle sur un vélo-cargo, un autre de 12 ans sur un Yuba à assistance électrique.

Virginie et sa famille lors d'un séjour en vélo confectionné sur mesure par Chemins dans le parc naturel régional des <span><span><span><span><span>Baronnies provençales.</span></span></span></span></span>
Virginie et sa famille lors d'un séjour en vélo confectionné sur mesure par Chemins dans le parc naturel régional des Baronnies provençales.

« J'ai l'impression d'avoir plus de souvenirs »

La traversée de « villages sublimes », la perception des « odeurs de la nature » ont eu le temps d'imprégner les méninges de Chloé. « La logique du slow travel est très différente, nous dit-elle. Quand on est en voiture, on a l'impression d'avoir checké un truc. On s'arrête une heure pour prendre un café, trouver que la mairie est jolie et hop ! on remonte dans la voiture et c'est fini. Là, on était dans un autre rythme, et j'ai l'impression d'avoir plus de souvenirs. » Et puis, Chloé l'avoue, entre elle qui travaille dans une société de développement des énergies renouvelables et son mari consultant en réduction d'émissions carbone, « on est exactement le public recherché ».
Après avoir fait quarante fois le tour du monde, le couple a pris conscience de l'impact écologique du tourisme et revu sa copie.
« Mon mari ne prend plus l'avion, du tout, et on est même allés en Corse en voilier plutôt qu'en ferry cet été. Pour lui, c'est essentiel. » Le déclic est venu et les Lyonnais considèrent depuis que « les émotions incroyables qu'on peut avoir en atterrissant à l'autre bout du monde ne sont pas supérieures à ce qu'on peut vivre juste à côté de chez soi ! »
Ainsi, la famille, fidèle à sa ligne de conduite, a fait la démarche de prendre le train jusqu'à Montélimar, puis d'aller à pied jusqu'au hangar de collecte des vélos. « Zéro carbone, s'exclame-t-elle, ça fait désormais partie de l'aventure ! »

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Commentaire (1)

  • Germain Huret Varseine

    Quel bonheur tout ces acteurs futurs de publicités Herta.