Et si la route devenait écoresponsable et sûre ?

Des capteurs qui préviennent du givre et annoncent les virages dangereux, des chaussées composées de matériaux non polluants… Cap sur la modernisation.

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Une fois intégrés à la chaussée, les échangeurs thermiques captent l’énergie solaire, qui sera stockée puis restituée aux bâtiments et infrastructures environnants. Ils permettent également d’empêcher les routes de se couvrir de verglas.
Une fois intégrés à la chaussée, les échangeurs thermiques captent l’énergie solaire, qui sera stockée puis restituée aux bâtiments et infrastructures environnants. Ils permettent également d’empêcher les routes de se couvrir de verglas. © SP

Temps de lecture : 5 min

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Finis bientôt les longs chantiers qui, sous prétexte de refaire la chaussée, bloquent la circulation ; finis les budgets municipaux engloutis dans l'éclairage, la nuit, de rues vides ; finis les accidents liés aux routes verglacées qui n'ont pas été indiquées au conducteur ; finis les matériaux polluants… Bref, finie la route à papa : la technologie permet aujourd'hui d'améliorer la sécurité, la sobriété et la propreté.

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À la lumière du soleil

C'est une petite route de campagne quelque part dans les Landes, au sud de Dax. À première vue, elle n'a rien de très original, en tout cas de jour. La nuit, en revanche, elle se distingue, dans tous les sens du terme. À 80 mètres de distance, avant d'arriver dans un virage, on peut voir deux bandes éclairées sur les bords de la chaussée. Une peinture spéciale, mise au point par une start-up bordelaise, OliKrom, a été apposée il y a quelques semaines. De jour, elle emmagasine la lumière ; de nuit, elle la restitue, pendant au moins huit heures, signalant un virage dangereux. En Europe, ce type de peinture dite « photoluminescente » recouvre déjà des pistes cyclables. Elle permet même de se passer d'éclairage nocturne !

Une variante a pour nom le procédé « thermochromique ». La promesse est séduisante : il s'agit d'enduire la chaussée d'un produit qui change de couleur en fonction de la température extérieure. En hiver, l'automobiliste peut être averti d'une chaussée verglacée. Mais les pouvoirs publics en ont jugé autrement : trop cher, alors qu'un bon capteur dans la voiture signale déjà que la chaussée est verglacée, en tout cas lorsqu'elle risque de l'être.

DOSSIER Prendre la route

Une technique plus rentable a été mise au point par Eurovia, une filiale de Vinci. Son nom est tout un programme : Power Road. La puissance en question est celle du soleil. Son énergie est absorbée la journée par des capteurs placés dans la chaussée. « C'est une sorte de superplancher chauffant », explique Nicolas Hautière, adjoint au directeur chargé du projet R5G (route 5e génération) à l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar), un organisme spécialisé de l'université Gustave-Eiffel. En été, les capteurs restituent l'énergie pour refroidir le macadam et éviter qu'il ne fonde ; l'hiver, ils le réchauffent, évitant la formation de givre. Ce procédé a notamment été testé sur l'A10, aux abords du péage de Saint-Arnoult, dans les Yvelines.

Autre procédé visant à améliorer la sécurité sur la route : en jouant sur la qualité des enrobés qui recouvrent la chaussée, on sait les rendre plus « accrocheurs ». Dans les virages, les pneus y adhèrent mieux. Certains bitumes sont aussi fabriqués de façon à absorber des quantités importantes d'eau. Un enrobé mis au point par la société Tarmac agit comme une éponge très assoiffée : il peut engloutir 6 000 litres d'eau à la minute et par mètre carré ! Le système est toutefois réservé aux pays où la température est clémente toute l'année : sous zéro degré, l'eau emmagasinée peut geler et faire exploser la route, comme une bouteille d'eau dans un congélateur…

Les pièces d'un puzzle

Les villes vont souffler un peu : il est désormais possible de réduire jusqu'à 80 % les factures de l'éclairage public dont l'énergie est le premier poste de dépense. À quoi est dû ce petit miracle ? À un système associant un éclairage à diodes électroluminescentes (leds) avec des capteurs et un enrobé de couleur clair. Enfouis dans la chaussée, les capteurs comptabilisent le nombre de voitures ; relié à ces capteurs, l'éclairage varie, au point de s'éteindre si aucun véhicule n'est signalé. On peut en effet quasiment se passer de lumière grâce à la couleur claire de la chaussée…

L'enrobé qui recouvre les rues et les routes est un agrégat de différents matériaux dont les variations sont infinies : on peut jouer sur l'espace entre les granulats pour réduire le bruit émis par les véhicules, mais aussi améliorer l'adhérence des pneus. Les collectivités, qui paient la réfection des routes, semblent toutefois moins sensibles à ces avantages qu'il y a quelques années : la demande baisse…

Chaque année, on rénove en France 70 000 kilomètres de routes. D'où, chaque fois, des chantiers qui balafrent la chaussée et ralentissent la circulation. L'Ifsttar a mis au point, avec des industriels et deux collectivités locales (Nantes Métropole et Saint-Aubin-lès-Elbeuf), un concept dit de « chaussée urbaine démontable ». Le système est assez simple : il s'agit de sortes de dalles qui s'emboîtent et se déboîtent comme les pièces d'un puzzle. Elles remplacent la chaussée, limitant donc les tranchées et ces satanées déviations qui n'en finissent jamais…

Bientôt, des nanotubes “avaleront” les gaz d’échappement avant de les minéraliser.

Un autre système, mis au point par la société Altaroad, peut réduire le nombre et la durée des chantiers : la pose de capteurs dans la chaussée, qui évaluent l'usure de la route. Elle est alors capable de faire son autodiagnostic : est-ce qu'il y a là une malfaçon ; là, une perte d'élasticité ; là encore, une faille qui risque de s'agrandir. Reliés à des satellites, les capteurs constituent une chaîne de maintenance dite « prédictive » : les travaux sont décidés avant qu'il ne soit trop tard. Ce système comptabilise aussi le nombre et le poids des véhicules sur une route. Si trop de camions l'empruntent, c'est une route qui risque de se dégrader plus vite.

Matériaux « biosourcés »

Pauvre route : associée à la voiture, elle est forcément considérée comme une source de pollution. Elle fait pourtant des efforts. D'abord, les fabricants d'enrobés tentent de limiter leur propre pollution avec des procédés industriels plus respectueux de l'environnement. La fabrication est en effet polluante : les enrobés doivent être chauffés lors de leur fabrication, mais aussi au moment de la pose sur la route. Pour réduire cette source de pollution, Eiffage a développé un système de production de granulés de bitume à froid. Empaquetés dans des sachets, ils peuvent être posés sans être chauffés. Mieux : ils peuvent être stockés et réutilisés sans qu'il soit besoin de les chauffer. L'innovation est toutefois coûteuse, ce qui limite son passage à un stade industriel.

L'attention est aussi portée aujourd'hui aux composants du bitume. La mode est, comme pour les chaussures ou les bouteilles, au « biosourcé ». Il s'agit d'intégrer une part plus ou moins importante de matières d'origine biologique, comme des déchets de pin ou des microalgues. Le problème, c'est la ressource : si les algues sont abondantes, le pin est plus rare…

Dans le futur, la route ne devrait pas manquer de ressources pour dépolluer. Des scientifiques ont mis au point des engins microscopiques, appelés nanotubes, capables d'« avaler » les gaz d'échappement puis de les rendre inertes en les minéralisant. Mais il faudra encore attendre quelque temps avant de croiser ces gloutons miniatures sur les routes : on n'en est qu'au stade de la recherche. 

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