Interview

Pourquoi le « périph » nous rend-il fous ?

INTERVIEW. Nathalie Roseau, professeur d’urbanisme, revient sur un siècle de débats passionnés autour du célèbre boulevard parisien.

Propos recueillis par

Le projet de limiter à 50 km/h la vitesse maximale autorisée sur le périphérique relance, à Paris, les débats sur la gestion et l'usage de ce célèbre boulevard circulaire.
Le projet de limiter à 50 km/h la vitesse maximale autorisée sur le périphérique relance, à Paris, les débats sur la gestion et l'usage de ce célèbre boulevard circulaire. © Caroline Paux/Hans Lucas via AFP

Temps de lecture : 5 min

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Le périphérique parisien, éternel sujet de débat ! La Mairie de Paris, dirigée par Anne Hidalgo (Parti socialiste), s'est lancée dans un bras de fer avec le ministre des Transports, Clément Beaune (Renaissance). La maire de la capitale prévoit de limiter à 50 km/h la vitesse maximale autorisée sur le célèbre boulevard circulaire après les Jeux olympiques de 2024, contre 70 km/h aujourd'hui. « Nous ne validerons pas cette décision », a répondu le ministre. Tant pis, la Ville de Paris a fait savoir qu'elle ira jusqu'au bout. L'objectif est assumé : réduire la circulation automobile.
Cette querelle politique ne surprend plus personne. Le boulevard périphérique, aujourd'hui long de 35 kilomètres et emprunté par quelque 1,3 million de véhicules chaque jour, crispe les esprits depuis l'entre-deux-guerres ! Nathalie Roseau, professeur d'urbanisme à l'École des ponts ParisTech, revient pour Le Point sur un siècle de débats passionnés… qui ne sont pas près de s'achever !

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Le Point : Le bras de fer qui oppose la Mairie de Paris à l'État vous surprend-il ?

Le périphérique fait l'objet d'un rapport de pouvoir. Cette infrastructure, dont les contours délimitent les frontières entre Paris et ses banlieues, se situe au cœur d'une agglomération de 10 millions d'habitants. Elle s'inscrit, en plus, dans un réseau régional et national, routier et autoroutier, dont elle est une artère principale, l'une des plus chargées d'Europe.
Chaque décision prise, surtout si elle est unilatérale, comme le reprochent les oppositions, ouvre une série de conflits politiques. Car si le périphérique appartient à Paris, cette ceinture concerne aussi les départements limitrophes, la métropole du Grand Paris, la région Île-de-France et l'État. Finalement, tout cela montre que la question de la gouvernance du périphérique n'est pas encore réglée.

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Depuis quand le périphérique fait-il l'objet de débats ?

Il était un sujet de tensions et de crispation avant même son achèvement ! À l'origine, le débat portait sur l'utilisation du vaste espace libéré à la suite du dérasement des fortifications dans l'entre-deux-guerres, entre 1919 et 1929. Avec des ensembles de logements et des équipements publics, il était prévu d'en faire une voie de circulation entourée d'espaces verts, un « park way ».
Or c'est loin d'en être un aujourd'hui. Le chantier du périphérique, qui s'est étalé sur 17 années, a lui aussi marqué. Des critiques ont ciblé très tôt sa réalisation et son utilité. Aux ouvertures successives des tronçons, les riverains ont ensuite découvert tous les désagréments occasionnés par cette infrastructure, comme la pollution sonore et visuelle. Les automobilistes ont également déchanté ! Il leur a été promis de pouvoir circuler rapidement et sans feu rouge. Or le périphérique a été saturé avant même d'être achevé. Entre le début du chantier en 1957 et son achèvement en 1973, la voiture est passée d'un bien de luxe à un bien de masse.

Les habitants de la moyenne et de la grande couronne sont les premiers utilisateurs du périphérique, qu’ils sont obligés d’emprunter, souvent à contrecœur.

Quel est le plus gros point de crispation aujourd'hui ?

Clément Beaune, le ministre des Transports, a dit que si l'on réalise en même temps la voie réservée au covoiturage et la limitation de vitesse à 50 km/h, cela « rendrait les gens fous ». Il y a cette idée que toucher au périphérique bouleverserait la situation de transit de manière critique. Cela reste à prouver. Par ailleurs, le statu quo est-il viable, compte tenu des problèmes de fonctionnement des réseaux de transport, carbonés notamment, et des nuisances qui pèsent sur l'environnement urbain ?

Mais pourquoi autant de réactions épidermiques ?

Les Franciliens ne jouissent pas du même accès aux infrastructures selon leur lieu de résidence. Les Parisiens, par exemple, ont accès à l'un des réseaux de métro les plus denses et les plus efficaces du monde et, depuis peu, peuvent aussi compter sur un réseau de pistes cyclables qui s'est développé de manière spectaculaire. Les habitants de la proche couronne ne sont pas si mal lotis non plus ! Le RER dessert la capitale et les lignes de métro ont été prolongées au-delà de Paris. Et bientôt, le Grand Paris Express verra le jour pour faciliter les déplacements de banlieue à banlieue.
En revanche, la situation est bien différente pour les habitants de la moyenne et de la grande couronne. Ils sont, plus que les autres, dépendants de la voiture pour aller travailler. Ils sont aussi les premiers utilisateurs du périphérique, qu'ils sont obligés d'emprunter, souvent à contrecœur. Pour ces habitants-là, toute entrave nouvelle à leur liberté de déplacement peut prendre des proportions viscérales. Il est impossible de prendre telle ou telle position sans tenir compte de cette réalité.

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Ces oppositions reposent-elles sur des considérations idéologiques ?

Pour certains, sans doute. La réduction de la vitesse est perçue comme un obstacle à leur liberté de circulation. Rien ne dit, pourtant, que le fait de réduire la vitesse sur le périphérique entraînera automatiquement davantage de bouchons. Bien au contraire. Cette mesure pourrait contribuer à fluidifier la circulation. Surtout, pour en saisir la portée, elle est à envisager de concert avec d'autres mesures, comme la création de la voie réservée et la baisse des émissions. Par ailleurs, la vitesse médiane sur le périphérique est déjà de 50 km/h, plus élevée la nuit, où l'on pourrait penser au sommeil des riverains, que le jour, où les bouchons sont légion.

À quoi va ressembler le périphérique en 2050 ?

On ne peut imaginer le futur du périphérique sans s'inscrire dans la lutte contre les dérèglements globaux. Il peut devenir un lieu emblématique de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre et de l'adaptation au changement climatique, grâce à la débitumisation et à la végétalisation de ses pourtours. Il se trouve que la Mairie de Paris s'inscrit justement dans cette trajectoire bioclimatique. Projeter le devenir du périphérique suppose de penser l'avenir de Paris et de ses environs, par-delà les dissensions politiques.

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Commentaires (25)

  • normasol

    "Professeur d'urbanisme" ! Tu parles ! Je pense"... Que ça doit pas être triste... " de la voir au volant... Mais a t elle deja conduit une voiture ? Avant de pérorer sur un sujet qu'elle ignore...

  • HENPALE

    Ne pas oublier les effets néfastes en matière de pollution de la fermeture des voies sur berges selon les analyses effectuées ! Certains n'apprennent ils jamais ? Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions.
    Pour quoi ne pas en priorité s'attaquer a améliorer le fonctionnement des transports en commun (grèves, retards, insécurité, ... ) afin de donner envie aux habitants de l'Ile de France de les utiliser plus volontiers ? Comme cela existe dans de nombreuses grandes capitales.

  • labretagnedebout

    Je suis fan de voitures et de vitesse. Mais votre argument ne marche pas. Ma voiture, 440 cv quand meme, roule en 6eme ou 7eme vitesse a 50km/h. Il suffit de vouloir rouler a 50. Elle peut aussi rouler a 250 en 7eme, ou plus en 8eme. En fait rouler a 50 permet de consommer beaucoup moins si on roule tous a 50. Ca suppose deja de ne pas avoir les yeux rives sur son telephone