Révélations sur les derniers jours de Platon

Un papyrus d’Herculanum récemment déchiffré fournit des informations inédites sur la vie (et la mort) du philosophe grec. Explications.

Par

Des fragments de papyrus carbonisés ont pu être récemment déchiffrés révélant des informations inédites sur l'histoire de Platon.
Des fragments de papyrus carbonisés ont pu être récemment déchiffrés révélant des informations inédites sur l'histoire de Platon. © DR

Temps de lecture : 4 min

Lecture audio réservée aux abonnés

Illisible, vraiment ? On a longtemps cru indéchiffrables les papyrus, découverts autour de 1752 dans une villa romaine d'Herculanum : une maison ayant appartenu à Calpurnius Pison Caesoninus, le beau-père de Jules César. Carbonisés lors de l'éruption du Vésuve de l'an 79 qui engloutit la ville sous les cendres, ces rouleaux livrent pourtant leurs secrets aujourd'hui. De nouvelles technologies d'imagerie médicale ont ainsi été utilisées récemment pour décrypter l'un de ces textes.

La newsletter sciences et tech

Tous les samedis à 16h

Recevez toute l’actualité de la sciences et des techs et plongez dans les Grands entretiens, découvertes majeures, innovations et coulisses...

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Un premier décryptage avait permis de découvrir dès 1991 une partie du texte de ce document contenant « L'Histoire de l'Académie » de Philodème de Gadara, un épicurien du Ier siècle de notre ère. Une étude, conduite par le Conseil européen de la recherche (ERC) et menée en collaboration avec l'Institut des sciences du patrimoine culturel (ISPC) et l'Institut de linguistique computationnelle (ILC) du Conseil national de la recherche (CNR) rend aujourd'hui accessible la suite du rouleau.

Plus de 600 rouleaux n'ont pas été ouverts à ce jour, de crainte de les détruire... sur l'ensemble des plus de 1800 découverts dans la villa d'Herculanum mise au jour au milieu du XIXe siècle.
©  DR
Plus de 600 rouleaux n'ont pas été ouverts à ce jour, de crainte de les détruire... sur l'ensemble des plus de 1800 découverts dans la villa d'Herculanum mise au jour au milieu du XIXe siècle. © DR

Celui-ci renferme ainsi « La Revue des philosophes » toujours de Philodème de Gadara. En tout, mille mots nouveaux (ou lus différemment) ont été révélés, soit l'équivalent de la découverte d'une dizaine de papyrus… grâce à ce programme de recherche baptisé « Écoles grecques » et conduit au sein de la Bibliothèque nationale de Naples.

Formidable avancée scientifique

« Pour la première fois, nous avons pu lire des séquences de lettres de ce papyrus qui étaient cachées », évoque ainsi Graziano Ranocchia, professeur à luniversité de Pise, à l'origine de cette découverte. « Cette formidable avancée a été permise en combinant deux techniques : la tomographie par cohérence optique et l'imagerie hyperspectrale infrarouge, grâce à un laboratoire mobile fourni par l'université de Nottingham Trent », poursuit l'universitaire qui publiera le 8 mai prochain la traduction de ce nouveau texte aux éditions Brill.

À LIRE AUSSI La philosophie antique ou l'art de la compilation « L'empilement des couches, restées attachées les unes aux autres, présentait un gros problème. Il empêchait jusque-là la lecture de presque tous les rouleaux découverts, soit environ 1 560 sur les 1 840 au total qui ont survécu à l'éruption du Vésuve », énonce Graziano Ranocchia. En parvenant à identifier les strates différentes du texte et à les représenter virtuellement dans leur position d'origine, il est désormais possible de rétablir la continuité du texte et de collecter ainsi une quantité énorme d'informations sur ce lointain passé.

L'équipe italienne emmenée par le professeur Ranocchia (au sein de laquelle ont également travaillé Francesco P. Romano, Enzo Puglia, Claudia Caliri, Danilo P. Pavone, Michele Alessandrelli, Andrea Busacca, Claudia G. Fatuzzo, Kilian J. Fleischer, Carlo Pernigotti, Zdenek Preisler, Christian Vassallo, Gertjan Verhasselt et Costanza Miliani) a publié ses premiers résultats dans la revue Nature le 21 avril dernier.

À LIRE AUSSI Archéologie : l'énigme d'un manuscrit vieux de 4 000 ans enfin résolue

Un pan de l'histoire antique révélé

« Cette mise à jour des papyrus augmente de 30 % la quantité de textes déchiffrables », s'enthousiasme l'helléniste Caroline Fourgeaud-Laville, fondatrice de l'association Eurêka, au sein de laquelle elle enseigne et anime des ateliers de grec ancien. Ces passages apportent des informations précieuses sur la mort de Platon. « Le texte nous apprend que le philosophe serait bien enterré dans le jardin de l'Académie d'Athènes, non loin du Museion. Il précise également qu'il fut vendu comme esclave sur l'île d'Égine en 404 avant J.-C., lorsque les Spartiates conquirent l'île, alors que jusqu'à présent on supposait l'épisode dater de son séjour en Sicile à la cour de Denys de Syracuse, vers 387 avant J.-C. », poursuit Caroline Fourgeaud-Laville.

Mais les surprises ne s'arrêtent pas là. Les circonstances mêmes de la mort de Platon sont maintenant mieux connues grâce à ces nouveaux écrits. C'est au son d'une musique de flûte jouée par une femme originaire de Thrace, qui devait alléger les dernières heures de sa vie, que Platon s'est éteint. Or, le philosophe semble ne pas avoir apprécié ses mélodies : « Bien que fiévreux et à l'article de la mort, il était assez lucide pour critiquer la musicienne barbare pour son mauvais sens du rythme, sous les yeux d'un invité chaldéen venu de Mésopotamie », lit-on dans ce texte.

Plusieurs autres passages apportent également un nouvel aperçu des circonstances de la corruption de l'oracle de Delphes par le philosophe académique Héraclide Pontique et des compléments d'informations émergent sur un élève du grammairien Apollodore d'Athènes et du stoïque Mnésarque, décédé à l'âge de 63 ans en Italie lors d'une pandémie de grippe. Connu jusque-là sous le nom de Philon de Larissa, il se serait en réalité nommé « Philion ». La technologie laisse entrevoir un possible déchiffrement des 600 derniers rouleaux de papyrus d'Herculanum non encore déroulés. « Entre mythe et légende, l'histoire continue de s'écrire », conclut Caroline Fourgeaud-Laville.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaire (1)

  • François Edouard

    J'attends avec beaucoup d'intérêt la suite de ces révélations... C'est tout un pan de l'histoire antique qui renaît.