Bornes de recharge auto : derrière les chiffres, la dure réalité

En dépassant son objectif de 100 000 bornes, la France affiche sa volonté électrique mais, en pratique, la qualité du service rendu est digne de Kafka.

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18 % des bornes se situent sur la voirie urbaine mais les débits sont  souvent indigents et les places squattées par des voitures thermiques.
18 % des bornes se situent sur la voirie urbaine mais les débits sont  souvent indigents et les places squattées par des voitures thermiques. © GICEY

Temps de lecture : 4 min

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Cela commence par un communiqué triomphal de l'Avere-France et du ministère de la Transition écologique : « Au 29 février 2024, la France comptabilisait 123 347 points de recharge ouverts au public… Le taux d'évolution sur 12 mois est passé pour la première fois sous la barre des 40 % pour atteindre + 36 %. » Une très bonne croissance des installations si elle n'était tempérée par une autre statistique faisant état de la disponibilité effective de ces bornes, jusque-là située à 3 sur 4 sur les douze mois écoulés. En d'autres termes, 25 % sont en panne ou en maintenance, soulignant la vulnérabilité de ces équipements.

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L'Avere se veut tout de même rassurante en notant que la disponibilité serait passée à 81 % sur le seul mois de février 2024 avec des disparités en fonction de la puissance des bornes. Soit tout de même une borne sur cinq hors service. De quoi provoquer la colère des usagers qui ne rencontrent cette situation à la pompe à essence qu'en cas de conflit social.

L'indisponibilité est d'ordre technique avec un SAV peu réactif et de très mauvaise qualité. En d'autres termes, lorsqu'une borne tombe en panne, c'est en jours qu'il faut compter pour la remise en service, le délai pouvant parfois même dépasser la semaine. Et bien heureux l'électro-automobiliste qui bute sur cette difficulté majeure au cours d'un voyage et trouve sur place une solution avec une autre borne disponible. Mais il arrive aussi que ce soit l'ensemble de la station qui soit hors service.

Des niveaux de débit indignes

Il y a aussi la puissance réelle des bornes qui conditionne le temps de recharge. Fort logiquement, 42 % des bornes publiques sont situées près d'un commerce où il sera permis de patienter et 35 % sur un parking mais 18 % seulement sont situées sur la voirie. Problème majeur, derrière le rideau de fumée que constituent les bornes rapides, le parc lézarde à des niveaux de débit indignes. Entre quantité de bornes disponibles (c'est en passe d'être gagné) et capacités délivrées (la qualité de la recharge), il y a un monde.

Voyez plutôt, sur les 75 % de bornes qui fonctionnent, 33 % délivrent moins de 7,4 kW, soit à peine mieux qu'une prise domestique. On passe à 83 % du parc des bornes en comptant également les bornes de 7 et 22 kW, juste correcte pour cette dernière. On peut en déduire que les bornes au débit convenable (entre 22 et 50 kW) ne représentent que moins de 15 % et les rapides au-delà de 50 kW réduites à une quantité négligeable. Mais qui fait beaucoup parler d'elle.

En ville, le système D s'impose comme cet usager qui a fait sortir son cable de recharge de sa maison.
 ©  GICEY
En ville, le système D s'impose comme cet usager qui a fait sortir son cable de recharge de sa maison. © GICEY

Mais les difficultés de se brancher surgissent parfois là où on l'attend le moins, en ville. Durant un essai récent de Volkswagen Touareg, heureusement hybride, nous avons constaté qu'il faut bien se renseigner au préalable pour savoir comment recharger. Mais cela ne suffit pas. En effet, notre carte Chargemap ne fonctionne pas sur les bornes publiques d'Asnières-sur-Seine. Il faut soit aller à Courbevoie, soit télécharger l'application locale, autant de perspectives peu réjouissantes.

Une borne plus communicative existe dans le parking de la mairie mais la seule qui soit libre est en panne, ceci expliquant cela. Il me semble remarquer une voiture ventouse déjà présente les jours précédents. Pour tenter d'obtenir la meilleure performance de consommation, dépendant étroitement sur un hybride de la charge de batterie, je tente à nouveau ma chance à l'extérieur le lendemain matin, fataliste et décidé à prendre l'application. Je remarque sur le parcours une Volvo en recharge devant un pavillon avec un câble sortant du garage trop petit, traversant le trottoir et soigneusement branché sur la suédoise afin de ne pas gêner les piétons. La débrouille locale.

Places squattées et tarifs à deux coûts

Toutes les bornes sont occupées sur le parcours jusqu'à la gare d'Asnières où, rue de Normandie, une station dotée de quatre bornes affiche complet. En y regardant de plus près, je ne vois qu'un câble branché, les trois autres voitures étant des thermiques benoîtement installées en squatteuses. Elles risquent une contravention de deuxième classe, soit une amende forfaitaire de 35 euros (minorée à 22 euros et majorée à 75 euros), qui, en cas de récidive, peut atteindre les 150 euros. En réalité, actuellement, il y a très peu de sanctions.

La stratégie de recharge implique de prévoir, celle-ci faite, de débrancher et de libérer la place sous peine de subir un tarif dissuasif. Pas très pratique si l'on veut profiter de la nuit pour « faire le plein ».
 ©  GICEY
La stratégie de recharge implique de prévoir, celle-ci faite, de débrancher et de libérer la place sous peine de subir un tarif dissuasif. Pas très pratique si l'on veut profiter de la nuit pour « faire le plein ». © GICEY

Penaud, et lassé de passer mon temps en vaines recherches, j'envisage de rouler en 100 % thermique avec une facture carburant qui va s'envoler. Arrivé tardivement à Bruxelles où la circulation est plus réglementée encore qu'à Paris, le parking Rogier permet de mettre la voiture à l'abri des PV. Il dispose en plus de bornes dialoguant avec Chargemap. Promptement garée et aussitôt branchée pour la nuit, je retrouverai le lendemain une batterie en pleine forme et, je le constaterai plus tard sur l'application, une facture de 20 euros hors parking !

Rechargée en 2 h 30, j'aurais en effet dû me lever au milieu de la nuit pour débrancher la voiture et la garer sur un emplacement non équipé. Cela m'aurait évité la pénalité « ventouse » bien compréhensible. Mais dans ce parking bien équipé en bornes, dont beaucoup sont restées libres, je n'ai pas trouvé la solution pour éviter la pénalité, faire une nuit normale tout en repartant le matin avec une batterie chargée. La vie d'un électro-automobiliste est décidément bien moins insouciante que celle d'un conducteur fossile.

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Commentaires (27)

  • vie en bleue

    Des produits sont vendus alors que les equipements complementaires (bornes) sont soit obsolètes, soit en panne. C’est vraiment deplorable, si nous rapprochons a cela l’etat de la medecine, de l’education …... Vive le marketing obscène

  • Vinclab27

    Le VE est surtout efficace contre le climat en ville ; or c’est justement en ville qu’il est très difficile voire impossible, de se recharger ! Les places électriques devraient être protégées aussi fermement que les places handicapées.

  • Vinclab27

    C’est la force de Tesla : son réseau de Superchargeurs toujours disponibles, jamais en panne et judicieusement répartis partout où on en a besoin. Le non respect des places électriques par les squatteurs thermiques est un vrai scandale, jamais sanctionné ! Ce qui est habituel en France. L’occupation indue ne devrait pas être facturée tant que d’autres bornes sont libres.