Luca de Meo : « La R5 reconnecte Renault avec les temps glorieux »

EXCLUSIF. Vitesse d’exécution du projet, transformation de l’usine de Douai, concurrence des Chinois… les confidences du directeur général du constructeur.

Propos recueillis par

Temps de lecture : 4 min

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Dès son arrivée à l'été 2020, Luca de Meo a flashé sur la petite maquette d'une R5 conservée au centre de design du Technocentre de Renault à Guyancourt, dans les Yvelines. Le projet avait été écarté par ses prédécesseurs à la direction de la marque au Losange, comme Carlos Ghosn ou Thierry Bolloré, au motif qu'il ne fallait « pas faire de trucs rétro ».

Une hérésie pour Luca de Meo, qui a relancé en 2007 la mythique Fiat 500 lors d'une grande fête dans les rues de Turin, en Italie, avant qu'elle ne devienne l'une des voitures les plus vendues dans le monde, à 3 millions d'exemplaires. Avant le plongeon dans le grand bain de la R5 E-Tech 100 % électrique, le directeur général de Renault raconte en exclusivité au Point la genèse du projet.

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Le Point : Vous arrivez à l'été 2020 et décidez rapidement de lancer le projet Echo5 de la R5. Quelle est votre méthode pour aller vite ?

Luca de Meo : Je casse les pieds à tout le monde pour aller vite. C'est une mise sous tension de l'entreprise. Cela génère un peu de stress, mais il faut voir d'où on partait. On perdait des dizaines millions d'euros par jour quand je suis arrivé et quand tu es malade, tu as envie de sortir très vite de l'hôpital. J'ai une fâcheuse tendance à leur demander des prototypes qui peuvent aller dans la rue comme une voiture de série, ce qui est assez complexe.

À LIRE AUSSI Comment la R5 électrique doit redorer l'image de RenaultLes équipes ont dû énormément bosser pour présenter le prototype le 14 janvier 2021. Avant, chez Renault, une voiture se faisait en 4 ans. On a fait la R5 en trois ans. Pour la Twingo, on va essayer de faire encore mieux, en seulement deux ans. La notion de vitesse est essentielle aujourd'hui dans l'industrie automobile.

Vous parlez de vitesse d'exécution, un domaine dans lequel les constructeurs chinois semblent exceller…

Les Chinois vont être très utiles pour accélérer la transition vers l'électrique. Il faut avoir du respect pour eux, mais pas de peur. La concurrence est saine et bonne. Comme Tesla, les constructeurs chinois représentent un électrochoc pour toute l'industrie. Ils ont pris une génération d'avance sur la génération EV des véhicules électriques. On vit en ce moment une forme de retard lié aux bons choix de la Chine dès les années 1990 de se positionner sur la chaîne de valeur de l'électrique. Une R5 va pouvoir se la jouer d'un point de vue technique face aux constructeurs chinois. Leur offre n'est pas aussi riche sur le segment des petites voitures que sur celui des segments supérieurs. Pour s'imposer, les Japonais ont pris trois générations, les Coréens deux générations. Si on prend le scénario extrême que les Chinois ne prennent qu'une seule génération, cela nous laisse une fenêtre de tir d'ici 2030.

Pourquoi refaire la R5 cinquante ans après la première génération ?

J'ai tout de suite pensé qu'elle serait parfaite pour succéder à la Zoé et démocratiser l'électrique. La R5, comme la montre Datejust de Rolex ou la Tank de Cartier ou le stylo de BIC, est un classique de la marque qu'il faut nourrir, polir et revisiter au fil des années. Le groupe avait un peu perdu son identité.

À LIRE AUSSI Renault, le chamboule-tout de Luca de MeoLa R5 le reconnecte avec les temps glorieux. C'est un court-circuit émotionnel qui recharge toutes les batteries de la matrice Renault. En 1973, la R5, qui consomme peu d'essence, est d'ailleurs la voiture du rebond après le choc pétrolier. La nouvelle R5 E-Tech symbolise aujourd'hui le rebond de Renault dans l'électrique après la pandémie de Covid et de nombreux événements géopolitiques.

Certains disent que ressortir une vieille voiture est une solution de facilité qui témoigne d'un manque de créativité. Que leur répondez-vous ?

C'est trop simpliste de me qualifier de nostalgique qui relance de vieux modèles comme la Fiat 500 ou la R5. J'ai travaillé à une centaine de projets et réalisé plein de choses nouvelles, comme la marque sportive Cupra de Seat, la relance de la marque Alpine, l'architecture électronique centralisée chez Renault comme chez Tesla ou la filiale électrique Ampere. Quand on transforme un produit, l'important est de rester très loyal au concept original. J'espère que la R5 sera un des véhicules électriques leaders en Europe. Renault le mérite. On a travaillé très dur pour la faire.

À LIRE AUSSI Ampere, le pari de Luca de Meo pour rattraper les Chinois dans l'électrique

Pourquoi faire la R5 ainsi que d'autres véhicules électriques en France, alors qu'on sait que cela coûte plus cher et que rendre un tel projet viable sur le plan économique relève du casse-tête ?

Certains nous reprochaient d'être un peu débranchés de l'écosystème national et j'étais obsédé par l'idée de la produire en France. L'âme d'un constructeur automobile reste dans ses racines. Chez Fiat, j'ai reconnecté la marque avec l'Italie. Chez Seat, j'ai travaillé pour reconnecter la marque avec l'Espagne et Barcelone, sa ville natale. C'est comme au football : quand tu joues à la maison, tu as envie d'avoir le stade plein. Avec la R5, on joue à la maison et on parvient à la vendre autour de 25 000 euros. L'usine de Douai est aujourd'hui dédiée à l'électrique, avec une gigafactory de batteries dans l'usine. En outre, 80 % des fournisseurs se trouvent à une distance de moins de 300 kilomètres du site. Une voiture est en général fabriquée en 20 heures. À Douai, on va la faire en seulement 10 heures. Renault est capable d'atteindre sur ce site une compétitivité aussi bonne qu'une usine d'un pays de l'est de l'Europe.

Que se passe-t-il si cette nouvelle voiture ne marche pas ?

(Luca de Meo sourit puis lance en forme de boutade) Si c'est un échec, on va me virer ! Et si c'est un succès, Renault aura un problème de riches, « ein Luxusproblem » comme disent les Allemands !

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Commentaires (7)

  • Damnad

    Je trouve cette nouvelle R5 plutôt belle, elle sera fabriquée en France, c'est une citadine donc en électrique ça ne me choque pas... Je pense après avoir lu plusieurs ITW de ce monsieur qu'il est un excellent pro qui fonctionne à l'émotion... Il a réussi à relancer la Fiat 500 et j'espere qu'il va relancer également la 4L

  • 1doigtdanslaprise

    Luca de Meo en pole position pour succéder à Tavares chez Stellantis ? Ce serait assez cocasse car la voie est tracée pour celui qui connait très bien le groupe Fiat. Il faudrait tout de même lui demander quelle part il a dans l'abandon de Lancia et le mal être d'Alfa Roméo qu'il a dirigées plutôt que de se laisser conter la sempiternelle histoire de la Fiat 500. Le père de la version actuelle née en 2007 est Frank Stephenson qui avait auparavant réinterprété la Mini

  • Le Loup 17

    Produire la voiture du peuple à 25000 euros, il faut être courageux. Renault nous avait habitué à mieux et il propose déjà de l'électrique pour moins cher.